Redécouvrir Saint-Exupéry avec Riad Sattouf
« Fan de Saint-Exupéry », Riad Sattouf a réalisé 150 illustrations pour accompagner Terre des Hommes. De passage à Strasbourg, à la Librairie Kléber, l’auteur s’est confié sur un projet qui lui tient particulièrement à cœur.
À quand remonte votre rencontre avec Terre des Hommes ?
C’est l’un des premiers romans que j’ai lu : j’avais grandi avec un grand-père français qui avait croisé Jean Mermoz quand il était enfant [il en parle dans L’Arabe du futur, NDLR], avant-guerre, à une époque où les pilotes de l’Aéropostale étaient des héros. Cette histoire a excité en moi l’intérêt pour cette épopée. Adolescent, je suis tombé sur le livre un peu par hasard, et me suis rendu compte qu’il racontait l’histoire de ces hommes. J’en suis tombé amoureux de suite.
Qu’est-ce que ce livre a déclenché en vous ?
N’ayant aucune culture littéraire à cette époque, Terre des Hommes m’a permis de découvrir le « je » autobiographique. J’avais gardé cette passion pour ce texte dans un coin de la tête pendant des années : une fois devenu un « auteur à succès » [rires], je me suis permis de contacter la famille du créateur du Petit prince, avec l’idée d’illustrer le livre. Ils ont été enthousiastes et m’ont laissé beaucoup de liberté.
Vous êtes revenu à une ancienne version de la collection blanche (en termes de tailles et de typographie)…
C’est drôle parce qu’Antoine Gallimard m’a dit que c’était la première fois que quelqu’un dessinait sur une couverture de la « Blanche » : j’en étais très très heureux.
Pourquoi ne pas avoir voulu adapter le roman en BD ?
J’avais envie de lui laisser sa pleine puissance, de l’accompagner tout simplement. Le métamorphoser en roman graphique aurait été comme l’affadir. Illustrer le livre est par ailleurs une manière de lui rendre tout ce que j’avais pris, tout ce que j’avais trouvé en lui et de permettre à de nouveaux lecteurs de le découvrir.
Comment décrire la substance de Terre des Hommes ?
Dans ces pages coexistent une réelle tension entre des scènes d’action pure et une réflexion pétrie de délicatesse sur le monde et l’humanité… De nombreuses strates de lecture sont possibles dans un livre qui se révèle comme un « chef-d’œuvre involontaire » : il s’agit en effet d’une réunion d’articles, regroupés dans l’urgence, sans réflexion globale en amont… et du coup il ressemble à la vie. C’est cela aussi qui fascine.
Comment avez-vous travaillé ?
J’ai fait les dessins exactement dans l’ordre, de la première à la dernière page, et en me disant que j’allais montrer ce que je capte. J’essaie d’attraper des images comme un comme un filet dérivant dans lequel il y a des petits poissons [rires]. L’univers visuel de Saint-Exupéry a toujours été lié pour moi à Hergé, par exemple. Certaines images font ainsi penser au Crabe aux pinces d’or.
Allez-vous continuer ?
J’en ai très envie : je désire illustrer Vol de nuit, Courrier sud, Pilote de guerre, mais aussi Mermoz de Kessel. Des choses sont en cours… mais dans l’avenir proche ce sont deux « tomes deux » qui paraitront en 2026 : celui de Moi, Fadi, le frère volé et celui du Jeune acteur.
Terre des Hommes d’Antoine de Saint-Exupéry illustré par Riad Sattouf est paru chez Gallimard (26 €)
gallimard.fr – riadsattouf.com

