Rêveuse cuisine bourgeoise, Au Gourmet avec Ludovic Kientz

Portrait de Stéphane Louis pour Poly

Depuis fin 2018, Ludovic Kientz s’est installé à Drusenheim Au Gourmet, décrochant sa première Étoile au Guide Michelin en 2021. Visite chez un jeune chef à la maîtrise déjà affirmée.

Ludovic Kientz est un enfant du Crocodile. Le chef de 33 ans y a en effet passé 12 ans, y débarquant comme apprenti en 2005 : « Deux ans après, Émile Jung m’a proposé d’être chef de partie poissons », explique-t-il. Il reste dans la maison strasbourgeoise jusqu’en 2017, épousant toutes les circonvolutions complexes de son histoire récente : chef exécutif de Philippe Bohrer, il devient, à 22 ans, le plus jeune cuisinier aux manettes d’un restaurant étoilé. Une distinction qu’il retrouve en 2016 alors que Cédric Moulot a acquis l’établissement. Décidant de voler de ses propres ailes, il acquiert le Gourmet. Un retour aux sources pour le natif de Gambsheim, à quelques encablures de là. « Nous n’avons pas choisi cette maison pour ce qu’elle était, mais pour ce qu’elle pouvait devenir, et souhaitions partir d’une page blanche », résume-t-il. Avec sa compagne Sandie Ling – talentueuse sommelière passée par le mythique restaurant de Michel Bras à Laguiole –, il s’est installé dans cette belle demeure, posée en retrait de la route, dans la verdure. Dans une salle aux amples volumes dont les murs d’un blanc éclatant contrastent avec une moquette d’un bleu profond, se déploie une cuisine bourgeoise new style. Voilà adjectif longtemps honni, associé à une image ringarde, qui fait un retour en grâce. Francs, copieux et maîtrisés, les plats de Ludovic Kientz – qui se sert essentiellement de produits locaux comme les légumes de la Ferme Riedinger de Hoerdt – sont placés sous le signe du goût. On reste époustouflés par le rapport qualité / prix du menu de midi (29 €, entrée, plat, dessert).


Best in Grand Est ! En témoigne un carpaccio de noix de Saint-Jacques, charmante fleur opaline posée sur l’assiette surmontée d’une marinade de petits légumes au gingembre et d’un gel de citron vert dont l’acidité twiste l’ensemble avec bonheur. L’œuf parfait qui suit l’est vraiment (grâce au jeu chromatico-gustatif entre la truffe noire et le vin jaune), tandis que le filet de biche des Vosges, point d’orgue du repas, n’est que délices. Servi (très) généreusement, le gibier danse avec de moelleux kasknepfles et un aréopage potager, barbotant dans une sauce luisante de bonheur aux fragrances mêlées de gingembre et de genièvre. Les débats s’achèvent avec la réhabilitation d’un dessert désuet, le vacherin dont la déclinaison tripartite en bandes verticales évoquant Buren – clémentine, citron vert et sorbet cacao – est pure réussite. Dans la galaxie composite des restaurants auréolés d’une Étoile au Guide Michelin – où le meilleur côtoie le moyen – certains brillent d’un pâle éclat,d’autres luisent avec intermittence, tandis que les derniers, à l’image du Gourmet, étincellent en tout simplicité.


Au Gourmet est situé 4 route de Herrlisheim (Drusenheim).
Ouvert du mercredi soir au dimanche soir.
Menus de 29 à 79 €
au-gourmet.fr

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