La nature dans l’assiette de Yannick Guth

Auberge Chez Guth © Geoffroy Krempp

La cuisine proche de la nature de Yannick Guth vient d’être distinguée par une Étoile au Michelin. Cela valait bien un retour chez le chef-cueilleur alsacien.

Dans sa ferme-auberge revisitée ouverte il y a dix ans, écrin chic et boisé, Yannick Guth continue d’explorer les richesses gastronomiques de son Val de Villé natal. Cet admirateur d’Alain Passard – qui a œuvré auprès de chefs comme Marc Haeberlin – développe une puissante relation avec la nature environnante, qu’il voit «comme un immense jardin». Et de poursuivre: «Nous réalisons de grandes cueillettes périodiques – les bourgeons de sapin, par exemple, une ou deux fois par an –, mais tous les jours, je sors ramasser des herbes. Vous montez, il y a de l’aspérule. Plus bas, c’est l’ail des ours ou la reine-des-prés qui va arriver, mais aussi la renouée du Japon, qui ressemble au bambou. J’en ai fendu des morceaux en deux pour m’en servir comme support pour un nouvel amuse-bouche. » Le chef cherche sans cesse, faisant évoluer mets et menus – dont les noms, Altitude 286, 350 et 534, évoquent la topographie de lieux qui lui sont chers. La routine ? Très peu pour celui qui n’aime guère l’idée d’avoir un « plat signature ».

 

 

Faite d’un rapport intime avec le biotope – entre frontalité revendiquée et profonde sensibilité –, sa philosophie culinaire séduit avec un risotto de céleri-rave à la tomme et à l’ail des ours fraîchement coupé. Le brutalisme de cette composition montagnarde se teinte d’aérienne finesse grâce à une mousse de lait fumé, délicate écume palpitante aux réminiscences de foin enveloppant l’ensemble d’une rusticité raffinée. Tout aussi enthousiasmante, la perche en biscuit – un clin d’œil à Emmanuel Renaut, le trois Étoiles de Megève où Yannick Guth a travaillé – qui suit surfe sur un lac étale de crème Dubarry où le chou-fleur se fait d’une douceur extrême. Sur le craquant crouton de pain de mie toasté coiffant le parallélépipède ichtyologique, des fragments de choux de Bruxelles servent de réceptacle à une poignée d’œufs de brochet. Donnant un sacré coup de fouet, la joyeuse amertume du pamplemousse est l’élément indispensable qui confère toute sa cohérence à un plat réjouissant venant restituer une nature épanouie et explosive. Après ces deux réalisations baignées d’une intense joie, on se dit que la récente distinction Guide Michelin est amplement méritée, en renonçant à comprendre pourquoi le chef n’a pas aussi décroché l’Étoile verte, récompensant les établissements modèles en matière de gastronomie éco-responsable. Un oubli sans doute… Ce sera pour l’année prochaine…


L’Auberge Chez Guth est située 5a rue du Bas-des-Monts (Steige). Ouverte du mercredi au samedi ainsi que le dimanche à midi. Menus de 48 à 98 €
auberge-chez-guth.fr

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