Opus V : Un délicieux coucher de soleil deux étoiles

Alliant vibrations urbaines et pureté de la nature, la cuisine de Dominik Paul s’épanouit à Opus V, adresse phare de Mannheim, auréolée de deux Étoiles au Michelin.

Le ciel de Mannheim rougeoie doucement au soleil couchant : depuis la terrasse d’Opus V, restaurant occupant le septième et dernier étage du très chic grand magasin Engelhorn Mode im Quadrat, la vue est imprenable, avec comme point focal le célèbre Château d’eau de la cité du Bade-Wurtemberg. Le nom de l’établissement ? « Un mix entre son adresse, O5 [la ville est construite comme un damier dont chaque bloc est repéré avec une lettre et un chiffre, les bâtiments à l’intérieur de ce carré étant numérotés de 1 jusqu’au dernier, NDLR], et la référence à la classification des œuvres musicales », explique Dominik Paul, chef de 35 ans, seul aux manettes depuis 2020. Arrivé à la création du lieu en 2013, il avait alors succédé à Tristan Brandt après avoir « appris à cuisiner au Pavillon de l’Hôtel Dollenberg, auprès de Martin Herrmann, qui magnifie la haute cuisine française ». Son credo ? « Un travail en équipe. Chacun peut proposer et développer un plat pour le monter au plus haut niveau. Mon objectif est que le restaurant ne soit pas une étape dans une carrière, mais que tous puissent passer de commis à chef de partie en restant le plus longtemps possible. »

À la croisée de la frénésie urbaine et de la beauté sauvage de la nature, la cuisine lumineuse de Dominik Paul se place sous le signe de Démocrite, dont une citation trône, en prélude à la carte : « Le courage est au début de l’action, la chance à la fin. » Les plats sont de plus accompagnés par les flacons choisis avec grand soin par la sommelière Felicitas Stengel. Elle nous fait ainsi découvrir des crus d’outre-Rhin épatants, comme ce Riesling Doosberg 2015 du Weingut Peter Jakob Kühn (situé dans la Hesse, à quelques encablures de Mayence) à la minéralité insolente de fraîcheur et aux subtiles nuances, qui va comme un gant à un ris de veau d’une simplicité qui frise l’évidence dans son alliance avec persil et câpres. Mais l’acmé de la carte est sans conteste une caille : dans une composition abstraite à la géométrie aléatoire, la poitrine du volatile sert de support à une cuisse pour un accord qui semble complexe sur le papier – oignons, champignons, topinambour, jus de truffe explosif – mais qui se révèle, en pratique, implacable, faisant penser à une autre phrase du philosophe grec précédemment évoqué, qui définit bien le chef allemand: « On ne peut être poète sans quelque folie. »