Le brame du Cerf

Roby et Michel Husser et Joël Philipps

Avec un excitant menu rendant hommage à l’histoire d’une maison étoilée au Guide Michelin depuis 1936, Le Cerf fête ses 90 ans. Visite dans un restaurant où œuvre Joël Philipps.

Le hasard est parfois curieux. Ou bien doit-on nommer “destin” certaines coïncidences ? En 1986, lorsque Michel Husser et son père obtenaient une deuxième Étoile au Guide Michelin pour Le Cerf, naissait Joël Philipps qui préside aux destinées de la maison depuis janvier 2017, aux côtés des deux filles de son mentor, Clara et Mélina. Le jeune chef connaît l’établissement par cœur, puisqu’il y avait débarqué à 17 ans, demeurant huit ans à Marlenheim (ave courte parenthèse à L’Auberge de l’Ill) : « Les bases de la cuisine du Cerf sont dans mon sang. J’ai tout appris ici, c’est mon ADN », résume-t-il. À la carte, il a choisi de laisser des plats mythiques comme la plus belle choucroute de la planète pour Le Monde et une bouchée à la reine d’anthologie initiée par Paul Wagner, chef jusqu’en 1957, qui n’a cessé d’embellir au fil des ans, s’adaptant chaque fois à son époque ; de plus réussie, nous n’en avons jamais mangée. Se colletant respectueusement avec la tradition pour y faire souffler un vent de fraîcheur, le maestro développe les contours d’une « cuisine de terroir innovante ». Dès les amuse-bouches, cette volonté est manifeste avec une explosive sucette de presskopf s’amusant avec une guimauve à la betterave. L’objectif du chef ? « Rester fidèle aux valeurs de la maison. J’ai une grande responsabilité face à cette longue histoire », résume-t-il, celle d’un établissement qui fête ses 90 ans. Et pour célébrer cet anniversaire, à côté d’un livre signé Claude Keiflin, se déploie un exceptionnel menu temporaire reflétant une épopée qui est aussi une saga familiale.

Dans ce défilé de haute tenue composé par les plats emblématiques des chefs successifs se trouve le hit des nineties qu’est la raviole de foie gras fumé signé Michel Husser (aux manettes de 1982 à 2017) accompagnée d’un consommé de volaille aux herbes du jardin et d’une brunoise de légumes : quand la tradition twiste avec la légèreté potagère, le résultat est bluffant. Une autre de ses créations séduit avec la pomme de terre farcie au Munster, version locale et glamour de la tartiflette, ici déclinée en toute délicatesse. De son père Robert dit Roby (au piano de 1957 à 1997), la charlotte au kirsch mêle charmes désuets d’un dessert so british – créé en hommage à la grand-mère de la Reine Victoria – et ébouriffante modernité d’une aérienne génoise. Pour sa part, Joël Philipps a imaginé un sandre du Rhin grillé sur la peau accompagné de buewespätzles et d’un bouillon de baeckeoffe ainsi qu’une pièce de jeune cerf rôtie, sauce grand veneur, deux illustrations du credo et de la maîtrise d’un cuisinier dont les compositions (r)affinées et graphiques nous font craquer.


Le Cerf se trouve 30 rue du Général de Gaulle à Marlenheim. Fermé mardi et mercredi. Menu anniversaire des 90 ans à 90 € (disponible du 4 au 29 novembre)

lecerf.com

Paru au Signe (10 €)
editionsdusigne.fr

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