Après un joli parcours étoilé, Kévin Stroh a posé ses couteaux à La Casserole, donnant un nouveau souffle à l’institution strasbourgeoise qui fête ses dix ans.
« Pousser le curseur du goût le plus loin possible » : voilà résumé le credo de Kévin Stroh, Prix du jeune talent aux Trophées Gault & Millau Grand Est 2025, qui a rejoint au mois de mai l’aventure initiée par Cédric Kuster, il y a une décennie. Hôte magique qui permet à chacun de se sentir rapidement comme à la maison – si le restaurant a la semblance d’un cocon, c’est à lui qu’on le doit –, ce dernier a trouvé un chef à la hauteur de ses ambitions. Passé par le Kasbür de Monswiller – « Yves Kieffer est mon mentor, il m’a transmis sa passion pour les sauces » –, il a ensuite enchaîné d’autres Étoilés. Du Buerehiesel (« Où j’ai appris beaucoup en termes de technicité et d’approche du produit brut, car nous rentrions des gibiers sous peau, des canards pas plumés… ») au Cygne de Gundershoffen, un style s’affirme, renforcé par un passage au sein de la « galaxie Lalique ». De la Villa (époque Jean-Georges Klein, puis Paul Stradner dont il a été l’adjoint) au Château Lafaurie-Peyraguey avec son pote Jérôme Schilling, notre homme cultive la rigueur et la précision. Elles seront récompensées à L’Auberge des Templiers de Boismorand, son premier poste de chef (une Étoile au Michelin), mais l’appel de l’Alsace est trop puissant… De retour sur ses terres, il a rapporté, des lisières de la Sologne, un Pithiviers à se damner que les clients de La Casserole adorent.
Pour le reste, on demeure ébahis face à une assiette magnifiant le poireau : « Un jour, une cliente m’a parlé d’un producteur à la Robertsau [un quartier de Strasbourg où subsistent quelques maraîchers, NDLR]. C’est comme ça que ce plat est né », explique Kévin Stroh. Il se sert de caviar osciètre – de la Maison Kaviari, dont l’établissement est partenaire –, qu’on prend à la petite cuillère de nacre, comme d’un élément venant condimenter une composition où tout le légume est mis à contribution – l’huile est faite avec le « vert », le cœur est brûlé, etc. Le chef réalise un coup de maître végétal où la plante européenne dialogue avec l’acidulé kalamansi des Philippines – qui s’épanouit dans une zone improbable entre fruit de la passion et pamplemousse rose – et le caractère fumé d’un miso nippon. Impression confirmée avec une généreuse truite saumonée se jouant du chou – qu’on retrouve dans tous ses états / éclats – et du safran d’Alsace pour une abstraction en jaune, orange et vert oscillant entre ordre et chaos, appétissante en diable. Avec de tels fondamentaux, l’Étoile ne devrait pas demeurer longtemps inaccessible.
La Casserole est situé 24 rue des Juifs (Strasbourg). Ouvert du mardi au samedi. Menus de 48 à 129 €
la-casserole.fr
