Au Musée Courbet, L’Art bat la campagne

À Ornans, se déploie Ceux de la Terre, explorant La Figure du paysan de Courbet à Van Gogh à travers un ample corpus réunissant des oeuvres de Gauguin, Millet, Sérusier… 

Jules Bastien-Lepage, Les Foins, 1877, Paris, musée d’Orsay – RF 2748 © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowsk 

Jusqu’à la Révolution de 1848, le paysan n’est bien souvent qu’un personnage secondaire, faisant tapisserie, relégué au second plan des peintures de paysage. Des artistes comme Gustave Courbet et Jean-François Millet – tous deux issus du monde rural – vont le mettre au centre de leurs compositions. Du second nommé sont accrochés Un Vanneur (vers 1848) et Bergère avec son troupeau (vers 1863) où le travail agreste est héroïsé, qu’il soit montré dans toute la difficulté de son labeur ou pétri d’une puissante mélancolie. Cette nouvelle image de la ruralité donnée par les “peintres paysans” va de pair avec l’émergence d’une classe comme acteur social. « Jamais tant de paysans n’avaient envahi le Salon. Jamais on n’y avait tant arraché de pommes de terre. Jamais tant de troupeaux de moutons n’avaient trotté sur les cimaises », écrivit Robert de la Sizeranne, en 1899.

Une section de l’exposition arpente ainsi la variété de ces représentations, de la réinterprétation radicale des oeuvres de Millet signée Van Gogh – La Méridienne, dit aussi La Sieste (1889-90), avec ses extraordinaires contrastes chromatiques d’une ébouriffante modernité – à la vision plus stéréotypée d’un Jean-Charles Cazin avec La Journée faite (1888), baignée d’une septentrionale sérénité. À partir des années 1870, c’est le naturalisme qui s’impose en peinture – comme dans les Lettres – avec des figures tel Jules Bastien-Lepage et ses instantanés de la vie rurale dénués de toute mièvrerie pastorale, à l’image des Foins (1877) où une jeune femme est assise, hagarde et fatiguée, à côté d’un homme qui dort, éreinté par un travail qu’on imagine abrutissant. « De tous les paysans que l’on a envoyés au Salon cette année, Le Semeur est de beaucoup celui que nous préférons. Il y a du grandiose et du style dans cette figure au geste violent, à la tournure fièrement délabrée, et qui semble peinte avec la terre qu’il ensemence », écrivit Théophile Gautier à propos du célèbre tableau de Millet, qui devint un véritable archétype à la forte portée morale et religieuse, dont toute une section explore la postérité.

Un bronze de Constantin Meunier voisine ainsi avec une toile de Bastien-Lepage ou un dessin de Félicien Rops, illustrant l’ambivalence du motif. Pour certains, il incarne les valeurs traditionnelles, pour d’autres, l’avènement d’une société meilleure, puisqu’il devient l’incarnation de la République avec la semeuse gravée par Louis- Oscar Roty apparaissant sur pièces et timbres. Le parcours s’achève par la vision des campagnes comme un refuge face à la folie des villes tentaculaires où l’industrie est reine : des artistes comme Paul Sérusier, avec sa paisible Moisson (1903), ou Paul Gauguin – est montré un pastel de 1894 avec Deux Têtes de Bretonnes – sont en quête d’un nouvel Eden. Ce retour à une terre idéalisée s’avère éminemment contemporain. 


Au Musée Courbet (Ornans) jusqu’au 16 octobre.

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