Sur les ailes de l’utopie : L’Opéra national du Rhin exhume Les Oiseaux de Braunfels

Marie-Eve Munger (Le Rossignol) et Tuomas Katajala (Bonespoir) © Klara Beck

L’Opéra national du Rhin exhume Les Oiseaux de Walter Braunfels donné en première française. Une comédie sombre sur l’utopie, qui connut un immense succès dans les années 1920.

C’est devenu une marque de fabrique de la maison alsacienne qui avait déjà ressuscité Die tote Stadt de Korngold (1920, première française en 2001) – initiant un succès qui ne s’est pas démenti depuis – ou Der ferne Klang (1912, première française en 2012). C’est un autre compositeur oublié que l’Opéra national du Rhin a décidé de faire redécouvrir au public. Connaissez-vous Walter Braunfels (1882-1954) ? La réponse est sans doute négative… C’est qu’il est en quelque sorte mort deux fois après avoir connu un vif succès dans les années tourbillonnantes de la République de Weimar. La première avec l’arrivée au pouvoir du national-socialisme : “demi-juif” selon les lois raciales, sa musique est jugée dégénérée, alors qu’un certain Adolf Hitler lui avait demandé d’écrire une marche pour les chemises brunes après le putsch avorté de 1923. Ce qu’il refusa, évidemment. Retiré pendant toute la guerre dans une émigration intérieure qui fut le lot de nombreux intellectuels allemands, il meurt symboliquement une seconde fois après 1945, alors que son post-romantisme n’est plus guère en cour dans un paysage sonore où la musique contemporaine impose sa tabula rasa atonale.

Paru dans la célèbre collection Entartete Musik du label Decca, un enregistrement de 1995 permet de se rendre compte de la luxuriance d’une partition transparente et lumineuse évoquant tout autant Wagner que Richard Strauss. Elle se déploie ici sous la baguette incandescente du directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokakimov. Fondé sur la comédie éponyme d’Aristophane, Les Oiseaux est une fable sur le pouvoir et l’émancipation vue comme complexe, si ce n’est impossible. Elle vient questionner avec grande finesse toutes les utopies… À la mise en scène, Ted Huffman est de retour sur la scène alsacienne après un mémorable 4.48 Psychosis de Philip Venables, en 2019. Sa vision ? Une comédie noire se déroulant dans les espaces déshumanisés des entreprises contemporaines. Ses open spaces ternes rappellent les bureaux sans âme des films de Roy Andersen (Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence) et Mike Judge (Office Space), mais aussi les photographies de Lars Tunbjork et Lee Friedlander. Les héros de l’histoire sont des travailleurs trentenaires du tertiaire qui vont se rebeller contre cet univers aseptisé en se métamorphosant en flamboyants volatiles.

Teaser Les Oiseaux, Walter Braunfels, “Envolez-vous avec les Oiseaux”, Opéra National du Rhin

À l’Opéra (Strasbourg) du 19 au 30 janvier et à La Filature (Mulhouse) dimanche 20 et mardi 22 février
operanationaldurhin.eu

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