Nicolas Thomas, chef au Château de Courban

Nicolas THOMAS © Christophe Fouquin

Ancien musicien, Nicolas Thomas officie depuis quelques mois au Château de Courban. Rencontre avec un cuisinier talentueux passé du violoncelle au piano.

Posé aux confins de la Bourgogne et de la Champagne, dans un paysage où les champs s’étalent à perte de vue, Courban est un havre de quiétude. Maison familiale, son Château, hôtel de charme, abrite une table récompensée par une Étoile au Guide Michelin. Nicolas Thomas y a posé ses valises début mars. Jeune quadragénaire, le chef a débuté sa carrière comme… violoncelliste. Diplômé des conservatoires de Toulouse et Zurich, où il étudia avec Raphael Wallfisch, il aurait pu embrasser une jolie carrière, cachetonnant au Capitole – époque Plasson, puis Sokhiev – pendant son cursus. À 25 ans, c’est la révélation lorsqu’il découvre la cuisine de Frank Renimel au restaurant En Marge, près de la ville rose : « Je ne m’étais pas trompé avec la musique, mais j’ai senti que j’avais mieux à faire ailleurs », s’amuse-t-il pour décrire sa « conversion. Un mot que je préfère à reconversion. » Il pose son archet. Se forme rapidement. Ouvre sa table en 2012, La Promenade, aux portes de Toulouse, où il décroche l’Étoile en 2018.

© Christophe Fouquin

Toute de finesse, la partition qu’il joue désormais met, notamment, des « produits modestes en avant pour permettre aux convives de redécouvrir la plénitude de leur goût », résume Nicolas Thomas. Un sens artistique aigu et un joli instinct, mâtinés d’une technique assurée acquise au fil des ans, font le reste. La symphonie débute par une réalisation élancée, sonate pour asperge blanche et sirop de fleurs de prunier, dans laquelle agrumes, pulpe de pistaches, fleurettes colorées et autres herbes forment un écrin dont la perfection graphique ne nuit aucunement aux équilibres gustatifs. On demeure ensuite ébahis par un “instant végétal” où le chourave et la fève tonka façonnent un tourbillon dans lequel la terre exhale des échos de foin coupé, emportant les dîneurs dans Tout un monde lointain… Voilà composition aux séductions mystérieuses et envoûtantes, parfaitement aboutie, qui tutoie, à notre sens, les deux Étoiles. Il en va de même pour une truite cuite à basse température, dont la chair révèle de multiples arômes tandis que l’accompagnement – asperges vertes et bouillon de colatura magnifiant les anchois – se joue de géniales dissonances, explosant en bouche. Cela rappelle les mots de Pierre Boulez : « J’aime beaucoup la virtuosité, non pas la virtuosité tape-à-l’œil, mais la virtuosité où on sent le danger, où on s’approche de la limite et où on se dit “Cela va casser ou cela ne va pas casser ?” J’ai toujours utilisé la virtuosité dans le sens d’essayer de rejoindre l’impossible. » Et de se souvenir que le compositeur écrivit une des plus exaltantes pages pour violoncelle du XXe siècle avec Messagesquisse.

Nicolas Thomas officie au Château de Courban. Photo © Christophe Fouquin
Nicolas Thomas officie au Château de Courban. Photo © Christophe Fouquin

Le Château de Courban est situé 7 rue du Lavoir (Courban). Ouvert tous les soirs ainsi que le dimanche midi. Menus de 79 à 145 €.
chateaudecourban.com

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