Jura si !

Depuis 2016, le chef belge Steven Naessens a pris les rênes de la Maison Jeunet, respectant et magnifiant la tradition jurassienne de l’institution d’Arbois, tout en y instillant quelques touches d’outre-Quiévrain.

D’abord il y eut André Jeunet dans les années 1950 qui décrocha la première Étoile au Guide Michelin, puis son fils Jean-Paul1, distingué d’une deuxième au mitan des années 1990. Elle orne toujours cette belle adresse. Désormais, c’est le natif de Bruges Steven Naessens qui oeuvre, poursuivant cette histoire de famille. Il était venu une première fois en 2005 pour deux ans, « par hasard », avant de partir barouder dans des adresses comme Le Petit Nice de Gérald Passédat2. Il était revenu pour s’y fixer en 2009 : « La transmission s’est faite progressivement, dans la douceur, aboutissant début 2016 », explique-t-il. Aujourd’hui seul maître à bord avec son épouse Marjorie, il a choisi de « poursuivre cette épopée, de ne pas couper avec les racines de la maison » revendiquant la sensualité sauvage du patrimoine gastronomique jurassien. Son plat phare demeure ainsi l’extatique volaille de Bresse au vin jaune et aux morilles qui a tant fait pour la renommée du restaurant, dont la garniture – l’alliance très contemporaine du céleri rave et de l’estragon – a néanmoins pris un sacré coup de jeune, à l’image de la géniale vaisselle signée du céramiste Pierre Casenove. Lorsqu’on lui demande de définir son credo, Steven Naessens cite une phrase de Léonard de Vinci : « La simplicité est l’ultime sophistication. » C’est ainsi qu’il aime travailler des produits simples – où l’on retrouve endive ou chicorée de sa Flandre natale, tout comme la bière qui s’invite dans la cuisine jurassienne – pour en tirer le meilleur avec une élégance folle. En témoignent des escargots du Petit-Mercey (commune située à une trentaine de kilomètres d’Arbois) accompagnés de radis, un légume décliné dans tous ses états : cru, cuit et confit. Dans l’assiette se déploie une composition abstraite pour une sarabande gastronomique très structurée dans laquelle les goûts et les textures caracolent, se chevauchant et se complétant, relevés par des plantains (herbes qui n’ont rien à voir avec la banane) et de la pulpe de morilles. Tout aussi locale est une aérienne émulsion de cancoillotte et vin jaune qui pourrait faire office de parfaite illustration du concept d’onctuosité, précédant avec bonheur un concentré de fraîcheur imaginé dans l’esprit d’une salade gourmande, où le pamplemousse questionne, mutin, la fève de Tonka.


La Maison Jeunet se trouve 9 rue de l’Hôtel de Ville, à Arbois. Ouvert du vendredi au lundi. Menus de 62 € à 152 €.

maison-jeunet.com

1 Voir Poly n°165 

2 Mythique maison marseillaise triplement étoilée – passedat.fr

vous pourriez aussi aimer