Italie, mère blafarde

Photos de répétition de Nicolas Descoteaux

À l’Opéra national du Rhin, Kristian Frédric signe une nouvelle production du traditionnel diptyque formé par Cavalleria rusticana et Pagliacci sous-titrée Les Labours de la souffrance. Voyage dans une Italie plombée et plombante.

C’est l’histoire de deux courts opéras véristes des années 1890 partageant des esthétiques musicales communes qu’on associe bien souvent à la scène. Ils se nomment Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni et Pagliacci de Ruggero Leoncavallo. Au-delà de la parenté sonore, ils partagent des préoccupations communes. Pour le metteur en scène Kristian Frédric, il s’agit même d’un spectacle unique en deux volets qui se nomme CAV / PAG – pour reprendre un acronyme souvent employé dans le monde anglo-saxon – et se voit sous-titré Les Labours de la souffrance. Pour la première partie, le village sicilien du XIXe siècle laisse place à l’Italie du Sud des fifties. Même lumière crue, même poussière étouffante. Nous sommes la veille de Pâques et tous sont rassemblés autour d’une statue géante de la Vierge, non loin d’une église abandonnée.

Photos de répétition de Nicolas Descoteaux

La violence des sens va se déployer dans un bidonville qui rappelle autant le néo-réalisme de Roberto Rossellini que le décor des Monstres de Dino Risi ou le terrain vague où Pier Paolo Pasolini fut assassiné. Le deuxième volet prend place 28 ans plus tard au même endroit et rassemble les mêmes protagonistes. Exit les baraquements sordides, néanmoins. Rasés. Une barre de béton est sortie de terre à leur place. Tout a changé, mais rien n’a changé pour les laissés pour compte de la société, mais la révolte gronde. Années de plomb. Brigades rouges. On est passé du noir et blanc à la couleur, mais à quoi bon ? Les hommes et les femmes continuent à se colleter au monde de manière frontale : « Ce sont des photographies de la réalité quotidienne d’une certaine tranche de la population italienne des années 1950 et de 1978. Deux générations qui vont se débattre sous nos yeux. Leurs souffrances vont creuser des labours dans la terre. Comme un champ garde en lui les stigmates du passage des hommes, cette terre gardera les traces du sang versé », résume le metteur en scène.

 

  À l’Opéra (Strasbourg), du 3 au 15 juin

À La Filature (Mulhouse), vendredi 23 et dimanche 25 juin

operanationaldurhin.eu

> Rencontre avec Daniele Callegari, Kristian Frédric et Géraldine Chauvet à la Librairie Kléber (Strasbourg), vendredi 2 juin (18 h)

librairie-kleber.com


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