Salomé : slalom spécial

© Philippe Gisselbrecht - Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz

Mise en scène par Joël Lauwers, la Salomé (en français) de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole déconcerte, tandis que l’aspect vocal et musical de l’affaire laisse une belle impression. Compte-rendu.

Un décor sombre. Élégant et sobre. On pourrait se croire à l’époque de la création de Salomé, au début du XXe siècle au cœur d’une Vienne blafarde, agonisant dans une apocalypse lente, pas si joyeuse que ça. Rien de sûr, car ce pourraient aussi être les années 1920, entre deux catastrophes… En cela la Danse des sept voiles ressemblant à une soirée mondaine crépusculaire évoque la tragédie à venir. Mais est-ce la Première ou la Seconde Guerre mondiale ? Peu importe, en somme. Néanmoins Joël Lauwers a certainement désiré extraire l’opéra de Richard Strauss de sa gangue biblique, faisant fi de l’orientalisme érotique et vénéneux généralement accolé à l’œuvre. Si l’idée séduit – d’autant que l’atmosphère dark évoquant les films de David Lynch, référence revendiquée, est très joliment campée –, il est néanmoins difficile de savoir où le metteur en scène désire emmener son public. Semant quelques indices, comme de petits cailloux – une réflexion sur la pureté, le passage à l’âge adulte, la folie inhérente à l’amour ou encore la dualité de Salomé, littéralement incarnée sur scène –, le Belge slalome dans tous les sens, nous invitant à « une expérience sensuelle. Il s’agit finalement de mettre en scène une pièce mentale, une sorte de vision subjective jaillissant d’un ouragan sonore où les tonalités n’ont rien à voir l’une avec l’autre », explique-t-il. Nombre de pistes sont esquissées dans une mise en scène en forme de mosaïque et chacun est libre d’emprunter celle(s) de son choix… ce qui permet de se concentrer sur les sentiments exacerbés ici exprimés.

 


Et dans ce domaine nous sommes (plus que) séduits par un Orchestre national de Metz Grand Est époustouflant, mené par Lena-Lisa Wüstendörfer, cheffe helvète à la gestique limpide et chirurgicale, qui a su se glisser en toute finesse dans les plis et les replis d’une partition complexe en diable. Rendant la luxuriance avec élégance, la charge érotique avec panache, elle réussit l’équilibre parfait entre la puissance requise et la délicatesse chambriste indispensable, explorant toutes les tonalités de l’art de la nuance. Les couleurs chatoyantes de l’orchestre nous emportent dans un autre monde, tout comme la prestation d’Hedvig Haugerud dans le rôle-titre : pour une première Salomé, ce fut une sacrée Salomé ! Fiers aigus, incarnation d’une grande puissance, qu’elle épouse les traits de la naïveté ou ceux de la folie, la soprano norvégienne se montre incandescente à souhait. Face à elle, le Hérode de Milen Bozhkov est bien pâle – avec une diction qui n’est pas toujours irréprochable – tandis qu’Hérodias, par Julie Robard-Gendre, est parfaite : lascive et décadente, puissante et délicate. Pierre-Yves Pruvot campe un Jochanaan oscillant avec brio entre l’exaltation tutoyant la folie, et l’autorité indispensable à son rôle.

Programmation à venir l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz sur opera.eurometropolemetz.eu

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