Dialogues des ouvrières

Nancy accueille la création mondiale de 7 Minuti de Giorgio Battistelli. Entretien avec le compositeur italien sur une œuvre dénonçant la brutalité du capitalisme.

Vous êtes de retour à l’Opéra national de Lorraine1 avec une création adaptée de la pièce éponyme de Stefano Massini2. 7 Minuti s’inspire des événements survenus dans l’usine Lejaby d’Yssingeaux, en 2012…
Après un rachat par une multinationale américaine, le nouveau patron d’une usine textile demande à ses ouvrières de réduire leur temps de pause quotidien de sept minutes pour éviter de fermer l’établissement. Onze femmes sont réunies dans un huis clos – évoquant le film de Sidney Lumet Douze hommes en colère – pour accepter ou refuser, prenant ainsi une décision essentielle sur le plan symbolique. Sept minutes aujourd’hui, c’est quatorze demain, vingt-et-une après-demain, etc.

Quel est l’enjeu réel de cette réunion ?
Il va évidemment au-delà des sept minutes, puisque la dignité au travail est en cause, une thématique éminemment actuelle sur tout le continent européen à une époque globalisée où la marchandisation de l’Homme atteint son paroxysme.

Après l’opéra bouffe, l’opéra rock, etc. vous créez l’opéra syndical…
Pour un compositeur il est plus facile d’écrire un opéra fondé sur la mythologie grecque ou romaine parsemé de références contemporaines que de s’attaquer au réel de manière frontale. C’est pourtant vital. Il en va de notre responsabilité d’artiste et d’intellectuel de faire acte de résistance en disant le monde d’aujourd’hui comme le fit très bien, à son époque, Pier Paolo Pasolini.

Qui sont ces onze femmes ?
Elles représentent autant de caractères très différents. L’une pense que le meilleur des choix est de n’en pas faire, l’autre est habitée par la peur de l’avenir, une troisième, venue des pays de l’Est, a une toute autre vision de l’entreprise que ses camarades… Au fil des trois actes, elles parlent et se confrontent dans une tension dramatique permanente, tandis que le spectateur découvre peu à peu leurs personnalités.

Pourquoi avoir adjoint un chœur aux tonalités jazz (évoquant parfois un musical) dans cette partition à l’atmosphère sombre ?
Bien que ses interventions soient extrêmement courtes, elles sont essentielles : le chœur représente l’extérieur de l’usine, montrant que les décisions prises à l’intérieur auront un impact sur le monde qui entoure la fabrique et bien au-delà. Ce côté comédie musicale rappelle aussi la séduction dangereuse que peut avoir la proposition de la multinationale américaine, si on ne réfléchit pas à ses conséquences.


À l’Opéra national de Lorraine (Nancy), du 1er au 8 février
opera-national-lorraine.fr

Conférence de Jean-Sébastien Baraban “Une heure avant…” chaque représentation

Projection du film 7 Minuti de Michele Placido au Caméo St. Sébastien avec une introduction par le metteur en scène Michel Didym et Giorgio Battistelli, 31/01 (20h) – cameo-nancy.fr

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