À la Saline royale, hommage à Corto Maltese

Hugo Pratt, Corto Maltese – Tango, 1985 © Cong SA. Suisse Schweiz Tous droits réservés Alle Rechte vorbehalten

Rendant hommage à un des plus grands héros de BD du XXe siècle, Corto Maltese nous emporte dans Un Monde en aventures

Dans sa préface aux Éthiopiques, Umberto Eco donne une éclairante définition de l’art de Hugo Pratt (1927-1995), affirmant qu’il « réussit à transformer sa nostalgie et notre nostalgie de la littérature en un récit d’aventure ». Voilà qui va comme un gant à nombre des opus de l’auteur italien – à l’image des Scorpions du désert ou de Sandokan –, et s’adapte tout particulièrement à sa création emblématique Corto Maltese, dont il livra douze albums (saga reprise après sa disparition par les duos Juan Díaz Canales / Rubén Pellejero et Martin Quenehen / Bastien Vivès), auquel cette belle exposition est dédiée. Caban bleu marine, pantalon blanc, rouflaquettes distinguées et boucle d’oreille : notre homme est reconnaissable au premier regard. Marin solitaire, il parcourt le début du XXe siècle d’aventure en aventure, de la Sibérie d’après la Révolution bolchévique à une Venise sur fond de montée du fascisme et d’occultisme, en passant par l’Amérique centrale, à la recherche d’un continent disparu. S’il arpente le monde avec un grain de cynisme et d’aristocratique détachement, il est néanmoins toujours en quête de justice. 

Hugo Pratt, Felix Von Luckner. J’avais un rendez-vous, 1994 © Cong SA. Suisse Tous droits réservés

L’exposition part à la rencontre du personnage à travers de multiples originaux : dessins pleins de vivacité, planches en noir et blanc à la construction implacable – comme cette voluptueuse plongée au cœur d’une milonga de Buenos-Aires, issue de Tango – et somptueuses aquarelles. Dans l’une d’entre-elles, Pratt nous immerge au cœur de Djibouti en 1908 dans une délicatesse où l’orientalisme se mâtine de modernité. On demeure aussi impressionnés par une page de Mū, la cité perdue, bain subaquatique en forme de « dézoom » débutant avec l’œil impassible d’un poisson pour arriver, quatre cases plus tard, sur la vue de cinq bestioles s’ébattant tranquillement dans l’océan. Séquencé en trois parties, le parcours permet tout d’abord de découvrir la vie de Hugo Pratt, qui imprègne en profondeur ses créations, avant d’entrer dans une section intitulée Aventureuses, consacrée aux femmes que croise Corto dans ses pérégrinations : Louise Brookszowyc – la « Belle de Milan » –, Marina Seminova, Wee Lee Song, la vénéneuse Venexiana Stevenson… Elles permettent au héros d’exister au sens plein du terme, lui qui affirmait, dans Sous le signe du Capricorne : « Les femmes seraient merveilleuses si tu pouvais tomber dans leurs bras sans tomber entre leurs mains. » Les Horizons du monde clôt le parcours dans un superbe voyage restituant avec brio l’appel du large nimbant toute cette épopée. 


À la Saline royale (Arc-et-Senans) jusqu’au 9 novembre 
salineroyale.com 

> Les Nuits de la Saline incluent une visite de l’exposition, un dîner et un spectacle avec des projections monumentales dans le Centre de lumières pour s’immerger dans l’univers de Pratt (10/07-23/08, du jeudi au samedi)

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