Entre rêve et réalité, dialogue entre Anke Feuchtenberger et Blutch
À Renchen dialoguent, Entre rêve et réalité, deux figures majeures de la BD : Anke Feuchtenberger et Blutch.
Après des précédents marquants – comme F’Murrr / Peter Gaymann, Isabel Kreitz / Mathieu Sapin, etc. –, le Simplicissimus-Haus poursuit une féconde conversation transfrontalière placée sous le signe de la bande dessinée, en réunissant l’Allemande Anke Feuchtenberger et le Français Blutch. À travers quelque soixante-dix pièces, se déploient les univers parallèles créés par deux acteurs majeurs d’un renouveau de la BD au début des années 1990 – entre multiplication des techniques et cases qui volent en éclats – qu’on peut voir comme des « oneironautes, dont l’univers graphique navigue sans cesse au gré de leurs diverses productions entre rêve et réalité, la réalité nourrissant le rêve, et vice-versa », décrit Thérèse Willer, la commissaire de l’exposition. On reste scotchés par les fusains pleins de délicatesse de La Camarade coucou (Futuropolis, 2024), chef-d’œuvre de la lauréate du Max-und-Moritz-Preis 2008, en forme de plongée fantastique dans le passé de l’Allemagne (de l’Est) entre 1945 et 1995, oscillant sans cesse entre l’imaginaire et le réel. Presque surréalistes sont en outre des séries de dessins où s’installe une narration – Petra Wolf (2014) ou The Crossing (2001) –, qui emportent le visiteur vers les rivages de l’art contemporain.
On retrouve cette porosité chez Blutch, dont sont montrés des originaux issus de multiples opus, comme l’iconique Lune l’Envers (Dargaud, 2014) – entre récit fantasmatique plein de sérieux et comédie – ou Variations (Dargaud, 2017), où il réinterprète en toute finesse des classiques, tentant « de rentrer dans la tête de différents auteurs en essayant de m’approcher de leur manière de créer », résume le Grand Prix de la Ville d’Angoulême 2009. Sont aussi accrochées des planches issues du récent La Mer à boire (Éditions 2024, 2022), histoire fantasmagorique d’une rencontre amoureuse entre deux personnages, un garçon nommé B et une fille qui s’appelle A. Blutch y emporte son lecteur dans un « monde flottant, indistinct, où Bruxelles est au bord du Lac Majeur. Au début, j’ai pensé que cette BD aurait pu être réalisée dans 200 ans par un dessinateur souhaitant narrer une histoire se déroulant aujourd’hui, mais qui aurait possédé une documentation imprécise sur notre époque. Il mélange donc un peu tout », glisse-t-il dans un sourire. Et nous de rester fascinés face à ces compositions d’une élégance à nulle autre pareille…
Au Simplicissimus-Haus (Renchen) jusqu’au 28 juillet
simplicissimushaus.de