« Le festival doit rester un “truc de kids” ! »

Entretien avec Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes .

De quel œil voyez-vous les autres festivals en France : avec méfiance, assurance… ?
Nous voyons cette prolifération d’un œil… confraternel. Il nous semble, et c’est plus embêtant, qu’il s’agit parfois plus de simples rassemblements de groupes du moment que de véritables projets culturels. Il faut raconter des choses au-delà de la pure monstration. Le festival des Eurockéennes est issu d’une volonté politique (lancé en 1989, le festival fut initié par le Conseil Général, notamment par Christian Proust, alors président du CG du Territoire de Belfort, NDLR) : derrière, il y a l’idée de proposer une manifestation pérenne. Au bout de 23 ans, l’historique parle pour nous.

Avec des pics de 100 000 entrées en 2006 et en 2008, le festival a rassemblé 80 000 personnes l’an passé. Comment expliquer cette chute ?
Depuis dix ans, la moyenne de fréquentation est de 82 000 personnes. Nos années un peu plus basses correspondent à un déficient de “bonnes locomotives”. L’an passé, par exemple, nous avons préféré prendre Jay-Z plutôt que M. Là où les gens pensaient voir les Red Hot Chili Peppers, on a mis Charlotte Gainsbourg. On ne fait pas du pur et dur, mais on cherche des projets plus particuliers plutôt que des poids lourds.

L’Esplanade Green Room remplace le Chapiteau, une nouvelle scène sur l’eau est créée devant la plage, moins de groupes programmés, réapparition des spectacles de rue… Pourquoi ces changements en 2011 ?
Ça fait dix ans que je suis là. Faire une programmation se traduisait par un tableau par jour avec des cases. Entre les cases, on avait tendance à mettre d’autres cases. Si les gens vont à un festival, c’est pour vivre. Dans cette vie-là, on ne passe pas tout son temps au milieu d’une foule à regarder un concert. On crée un instant de vie, pas un simple moment musical. Il était temps de recréer des surprises…

Avez-vous dessiné une sorte de portrait robot de votre festivalier ?
C’est un jeune actif de 27 ans en moyenne. Il a un peu vieilli avec le festival car notre dernière étude donnait une moyenne de 22 ans. Le public s’est méchamment féminisé. Certains pensent que c’est un indice de sécurité, mais je pense que c’est parce qu’il y pas mal de beaux gosses au Malsaucy (rires). On a fait une étude avec Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS. Il s’est aperçu qu’il y a une différence entre ceux qui vont au camping et ceux qui n’y vont pas. On y trouve le plus de filles, de jeunes, de nouveaux arrivants. Les plus connaisseurs aussi. Le festival a deux publics : l’aficionado un peu branché qui vient de loin et “le promeneur du dimanche”. Cette cohabitation nous intéresse, le côté consanguin m’a toujours embêté : ça me gênerait de ne voir que des jeunes en slim avec la mèche ou que des types en cuir avec des badges Motörhead. Aujourd’hui, les parents viennent avec leurs enfants, ce qui était rare dans les années 1980 / 1990. Les Eurockéennes deviennent plus familiales même si le festival doit rester un “truc de kids” !

 

Les Eurocks 2011, rock’n’roll jusqu’à la moelle ?
Katerine + Francis et ses Peintres + les filles du Tournée de Matthieu Amalric = un show débraillé mêlant reprises (de NTM à la Compagnie Créole) et cabaret new burlesque. Cette carte blanche délurée annonce la couleur d’une 23e édition qui pourrait sembler « rock’n’roll jusqu’à la moelle », selon les propos de Jean-Paul Roland, du fait des têtes d’affiche – Queens of the Stone Age ou Motörhead – mais aussi de la venue de Beady Eye (avec Liam Gallagher) ou des petites frappes d’Arctic Monkeys. Citons alors Karkwa, groupe pop québécois que le festival a envie de « partager » avec le public, Wu Lyf et son rock UK hyper intrigant, les complexes Battles, les rappeurs géniaux d’Odd Future. En phase d’explosion, le collectif hip-hop californien, déjà connu par les internautes pour ses clips trash et provoc’, marquera à coup sûr un festival bigarré qui ne bâcle décidemment pas la prog’ de ses petites scènes.
À Belfort, sur la presqu’île de Malsaucy, du 1e au 3 juillet
03 84 22 46 58 – www.eurockeennes.fr

vous pourriez aussi aimer