Embarquement immédiat

Invitation à un voyage immobile, la dernière création du Théâtre Dromesko est un enchantement visuel où s’entremêlent danse et acrobaties. Sur ce Quai des oubliés, on rêve d’un ailleurs meilleur pour découvrir que le bonheur est juste ici.

Voilà un paquet de décennies, Igor jetait les bases d’une nouvelle forme de spectacle, qui ne ressemblait à rien de connu, un mélange un peu bordélique de cirque, de théâtre, de musique tzigane, le tout dans une joyeuse ambiance de bistrot. C’était le cirque Aligre. Puis il rencontra Bartabas et ensemble, ils fondèrent le théâtre équestre Zingaro. Une bonne engueulade plus tard, Igor créait le Théâtre Dromesko, avec sa femme Lily. Vingt ans que dure l’aventure, qu’ils promènent leurs animaux et leurs structures itinérantes – chapiteaux ou baraques – sur les routes d’Europe. Sous la coupole transparente de la Volière, première étape de ce périple en 1990, plus de 200 oiseaux réinventaient un monde, autour d’artistes venus de tous horizons. Depuis, une cocasse ménagerie les suit, de spectacle en spectacle. Et les belles histoires d’amitié glanées en chemin laissent leurs traces : marionnettistes, magiciens, danseurs ajoutent à chaque étape leur propre étincelle aux créations follement originales du duo. Si l’art Dromesko est d’abord un état d’esprit, il place les amis et la musique au centre de toute inspiration.

Pour Quai des oubliés, le dernier né, Igor retrouve le violoncelliste Revaz Matchabeli qui fait naître sous son archet la toile de fond d’un théâtre dansé. Pas de “prestation animalesque” cette fois, mais des corps qui s’expriment sous la houlette de la chorégraphe espagnole Violeta Todo-Gonzales. Danseurs, acrobates et contorsionnistes, les quatre interprètes racontent sans paroles – à peine quelques onomatopées – une histoire burlesque qui dit bien des choses sans avoir l’air d’y toucher. « Mon travail, c’est une peinture impressionniste. J’utilise la matière réaliste de la vie qui s’échappe dans toutes les directions pour révéler sa poésie », raconte-t-il. Sur le quai, quatre personnages attendent. « Ils n’ont rien à voir les uns avec les autres, pourtant ils regardent tous vers le même endroit. » L’horizon, l’arrivée d’un train. Mais les convois passent, grondent, filent sous leurs yeux, mais jamais ne s’arrêtent. Désœuvrés, dépités, ces voyageurs condamnés à rester sur place se mettent peu à peu en mouvement, se découvrent, se rencontrent dans des figures improbables, en déséquilibre. « Finalement, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont pas besoin d’aller plus loin, qu’ils sont très bien là où ils sont. La valse des trains ne les concerne plus », explique le metteur en scène. Les tableaux se succèdent dans une fresque pleine de malice et de poésie, où l’on pense souvent à Jacques Tati. Il faut parfois rater son train pour faire un joli voyage.

À Colmar, à la Comédie de l’Est , du 18 au 20 décembre
03 89 24 31 78 – www.comedie-est.com
www.dromesko.net

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