Experimental Jet Set

Dans une bio où les mots se révèlent parfois aussi perçants qu’un effet Larsen, Kim Gordon, bassiste et chanteuse de Sonic Youth, revient sur sa jeunesse, sa carrière d’icône underground, sa vie, entre mère de famille et rockstar arty.

Le livre de Kim Gordon commence par la fin, celle du groupe et du couple qu’elle forma avec Thurston Moore. Par l’explosion de Sonic Youth. La douleur, l’amertume, la colère… elle dit tout, dès les quelques pages qui ouvrent son autobiographie, revenant dans les derniers chapitres à l’épisode de la rupture, sms épiés et emails espionnés compris. Le dernier concert du groupe, donc, lors duquel Kim reste sur ses gardes, « épuisée ». Elle se souvient : « Tous, nous nous sommes armés de nos instruments comme les soldats d’un bataillon, une armée n’attendant qu’une seule chose : la fin du bombardement. » Un ultime combat durant lequel elle se questionnera quant à la réaction du public devant cet « étrange étalage pornographique de tension et de distance ». Si Kim ne s’est pas effondrée, c’est grâce à la scène, « à la libération presque viscérale du concert ». Kim Gordon écrit alors que « le bruit extrême et les dissonances ont le don de vous purifier de l’intérieur ». Exactement notre ressenti au cours des concerts de SY ou, plus récemment, de Body/Head, son dernier projet musical très bruitiste.

Sonic Youth fascine, pour sa musique, sa posture,  mais tout a été dit ou écrit sur le groupe et Kim préfère revenir sur sa propre histoire, baissant le masque et tentant de briser son image « opaque, mystérieuse, énigmatique, voire glaciale ». Son enfance sous le soleil californien, son adolescence en Asie et, surtout, ses rencontres, parfois déterminantes, avec tout le gratin artistique new yorkais. Au cours des pages, on croise Danny Elfman (le compositeur attitré de Tim Burton qui n’est encore personne à l’époque), le célèbre galeriste Larry Gagosian, les plasticiens Mike Kelley et Dan Graham, le réalisateur Spike Jonze, ses amis Kurt Cobain, Chloë Sevigny, Marc Jacobs…

Elle parle de ses premiers pas dans les arts plastiques et la musique, de son groupe Below the Belt, avec lequel elle a « fichu un beau bordel explosif, un vrai foutoir braillard », de l’urgence no wave, de son rapport à la mode, de la création de sa griffe, X-Girl, et bien sûr des albums de Sonic Youth, qu’elle passe en revue. Kim Gordon évoque des moments difficiles, de solitude paradoxale (elle est sans cesse très entourée par sa famille, ses amis), et des instants à la fois pénibles et beaux, comme ce fameux 11 septembre 2001 au soir, où tous les membres de SY se retrouvent dans l’appartement de Kim pour partager leur terreur face au vide laissé par les tours jumelles.

Kim Gordon, Girl in a Band

Traduction de Suzy Borello

Édité par Le Mot et le reste

www.lemotetlereste.com

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