Van Gogh inc.

© Arthénon

Dans un ouvrage tonique, Wouter Van der Veen déboulonne avec jubilation un mythe : Vincent Van Gogh, un artiste sans le sou ? Un marginal un brin dérangé ? Que nenni !

 

« Dans les lettres qu’ils échangent, Vincent et Théo Van Gogh font la distinction entre prix et valeur. Ils affirment que si l’un n’est pas en adéquation avec l’autre, il ne sert à rien de vendre une toile », explique Wouter Van der Veen. Pour lui, le peintre, loin d’être un indigent détaché des contingences matérielles, était en réalité un homme d’affaires plutôt avisé, au centre d’un système artistico-financier. « Son frère lui envoyait 200 francs par mois en moyenne, tandis que le facteur Roulin qu’il a portraituré à plusieurs reprises gagnait 135 francs et faisait vivre une famille de trois enfants ». Van Gogh ? Un bourgeois ! Dans ce nouvel essai intitulé Le Capital de Van Gogh, est mise en pleine lumière une vérité que « beaucoup ne veulent pas entendre » explique l’expert ès Vincent installé à Strasbourg, notamment directeur scientifique de l’Institut d’Auvers-sur-Oise et auteur de nombreux ouvrages sur l’artiste. Selon lui, des strates culturelles et scientifiques se sont accumulées en plus de cent ans sur l’auteur des Tournesols

Pétri de notions économiques (parler de fonds de roulement ou du lien entre offre et demande pour des tableaux est un sacrilège insupportable à certaines oreilles) et de réflexions sur le calvinisme originel d’un fils de pasteur (ce qui explique bien des choses), cet ouvrage décapant est fort bien troussé. Extrêmement sérieuse et documentée, la thèse de l’auteur se déploie toujours avec une mordante ironie… qu’il s’applique parfois à lui-même, signe de parfaite santé intellectuelle. N’écrit-il pas en incipit : « À l’exception de ce qui est vrai, tout ce qui suit est rigoureusement faux » ? Dialogues imaginaires entre Vincent et Gauguin, analyse au cordeau de certaines lettres, réflexion corrosive sur le mandarinat à l’université – où il enseignait, mais qu’il a quittée il y a peu – ou encore étrillage en règle du monde de l’Art contemporain, quelque part entre Jean Clair et The Square de Ruben Östlund : les 150 pages et quelques du livre – sous-titré de manière provoc’ Ou comment les frères Van Gogh ont fait mieux que Warren Buffet – se lisent d’une seule traite, avec appétit. « Cela fait une quinzaine d’années que je développe cette thèse, mais ils sont encore nombreux à vouloir croire au mythe », s’amuse Wouter qui, on le devine, n’en est pas plus gêné que cela.


Paru chez Actes Sud (18 €)
actes-sud.fr

La rédaction de Poly organise un débat entre Wouter Van der Veen et Laurent Perez, journaliste d’ArtPress, mardi 26 juin à 19h chez Apollonia (23 rue Boecklin, Strasbourg)
apollonia-art-exchanges.com

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