Un barbon pas barbant

© Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Musicalement et vocalement excitante, la reprise de la mise de scène de Don Pasquale signée Damiano Michieletto fait mouche à l’Opéra de Paris.

Revoir Don Pasquale de Donizetti à la sauce Damiano Michieletto permet de se rendre compte de deux choses essentielles. Premièrement que le metteur en scène italien est décidément un maître de la direction d’acteurs tant il huile à la perfection les ressorts de cette comédie (ici tirée vers un théâtre de boulevard habité) narrant tambour battant l’histoire d’un vieux célibataire fortuné qui décide de se marier avec une jeunette pour déshériter son neveu. Deuxièmement que sa vision tient la route : choisissant de représenter le personnage de Don Pasquale comme un vieillard immature se comportant comme un gamin (son double enfantin est présent sur scène, manifestant un peu lourdement ce parti-pris), il tape juste, rendant le grigou plutôt sympathique. Et ce n’est pas une fin où le pauvre hère est conduit dans un EPHAD qui changera ce sentiment. Dans une maison sans cloisons surmontée d’un toit, simplement suggéré par ses contours de néon, flottant dans les airs, se déroule un opera buffa intimiste d’un puissant comique mâtiné de tragique, dont la scène de la gifle est emblématique. Débutant dans un décor fifties – avec meubles d’époque et Lancia désuète au garage évoquant les films néoréalistes italiens – l’action se poursuit, après le faux-vrai mariage, dans un intérieur clinquant de nouveau riche avec tableau abstrait de mauvais goût et Maserati rappelant le récent Silvio et les Autres de Paolo Sorrentino.

© Sébastien Mathé / Opéra national de Paris

Une des grandes satisfactions de cette reprise se trouve dans le casting vocal où l’on retrouve Michele Pertusi dans le rôle-titre (seul rescapé de la production de juin 2018). Impeccable, le baryton italien traverse l’œuvre avec solidité et sérénité, campant un barbon lost in translation finalement plus émouvant que détestable, en quête de sa jeunesse perdue. À ses côtés, Pretty Yende est une Norina aux aigus brillants dont la technique belcantiste est extrêmement sûre qui excelle par ailleurs dans les métamorphoses de son personnage, incarnant avec brio une jeune godiche (un brin énervante) tout juste sortie du couvent tout d’abord, une mégère dépensière (complètement exaspérante) qui mène son homme par le bout du nez, ensuite. Son amoureux Ernesto – le ténor Javier Camarena aux incroyable aigus – fait la paire avec le joli Malatesta de Christian Senn à la diction et à la projection impeccables. Autour de ce joli quatuor et d’un chœur très bien préparé, l’Orchestre de l’Opéra de Paris s’en donna à cœur joie, emporté par la baguette chirurgicale de Michele Mariotti qui met en relief avec vivacité les mille et une couleurs de la partition.

 Au Palais Garnier (Paris), jusqu’au 16 avril

www.operadeparis.fr

 

vous pourriez aussi aimer