Tueurs nés

Un quatuor américain farfelu s’empare de la “chose jazz” pour la faire voler en éclats. Mostly other people do the killing, nom à rallonge pour un groupe maniant les instruments avec humour et dextérité, est en concert à Pôle Sud.

Sur le devant de la scène, les deux souffleurs, Jon Irabagon (saxophone) et Peter Evans (trompette), sont envoyés en première ligne pour jeter vigoureusement leurs notes cuivrées au visage du public. Légèrement en retrait, la garde est assurée par un gesticulant batteur (Kevin Shea) et un contrebassiste à l’allure sévère, Moppa Elliott, leader d’un groupe qui semble tout droit sorti du Reservoir Dogs de Tarantino. Lunettes sur le nez, costard sombres impéc’, cravates nouées autour du cou, les musiciens adoptent un style classe, voire strict, même s’il s’agit d’une des formations les plus hot et cool du moment, « un des très grands groupes américains actuels, dont tout le monde parle » outre-Atlantique, jubile l’équipe de Jazzdor.

Mostly other people do the killing ? Un nom étrange faisant un clin d’œil à l’ingénieur russe Léon Theremine, inventeur de l’instrument bizarroïde auquel il donna son nom (vers 1920), engin électronique futuriste comportant une antenne utilisé dans les BOs de films de science-fiction et par toute une tripotée de musiciens actuels en mal de sensations vintage (exemple : La Femme sur le plateau des dernières Victoires de la musique). Theremine – qui est passé par la case goulag – aurait en effet un jour évoqué Staline, déclarant que le tyran sanguinaire n’était pas si cruel qu’on le prétendait, vu qu’il ne commettait pas en personne les crimes dont on l’accusait… Humour noir, grinçant comme les compos des agents provocateurs new-yorkais adeptes des harmonies qui tuent, de compos où les sonorités rondes de la contrebasse répondent aux sons aiguisés du saxo et de la trompette, propulsés dans une ambiance percutante.

Sévissant depuis un peu plus d’une dizaine d’années, ces Blues Brothers du jazz pratiquent le chaos organisé dans une démarche à la fois fun, swing, free et ravageuse, oscillant entre écriture et improvisation, construction et décomposition d’édifices musicaux aux solides fondations. Résolument iconoclastes, les membres de MOPDTK connaissent leurs gammes et leurs classiques, mais s’amusent à dézinguer l’héritage jazz, Irabagon et Evans soufflant à en perdre haleine, Shea faisant tournoyer ses baguettes dans les airs tel une majorette et Elliott veillant sur tout ce beau monde d’un œil rieur. C’est sur le plateau de Pôle Sud qu’il se produira, mais le quartet virtuose et impertinent devrait nous catapulter dans un club crasseux sentant le souffre et empestant le Whisky, les notes de Dizzy Gillespie collées au plafond, quelque part dans Big Apple.

À Strasbourg, à Pôle Sud, vendredi 4 avril (concert proposé par Jazzdor en partenariat avec Pôle Sud)

03 88 36 30 48

www.pole-sud.fr

www.jazzdor.com

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