Sur le cul

Photo de Bastien Burger

L’alchimiste poétique Bertrand Belin nous laisse sur le derrière avec Persona, sixième album où le chanteur danse, titube et se fout à poil.

Persona est un clin d’œil au film de Bergman où une comédienne devenue muette et son infirmière semblent ne former qu’une seule personne ?
Ça n’a – a priori – aucun rapport avec Bergman qui n’avait d’ailleurs pas l’intention d’appeler son film Persona, mais Cinématographe. C’est un choix de la production. Il y a dans son long-métrage quelque chose de fondamental chez lui : la part de silence. J’aime le mot “persona” car il désigne “quelqu’un” et “personne”. Il évoque le masque social, résultant du regard que chacun porte sur l’autre. Le halo sémantique qui l’entoure est fascinant. Dans le jargon marketing, il est utilisé de manière sordide et cynique afin de dé nir le cœur de cible d’une clientèle type.

Vous ne vous êtes pas glissé dans la peau d’un autre pour composer cet album ?

Au contraire, il s’agit davantage d’un effeuillage. Sans aller dans les poncifs déclamatoires, je suis plus près de moi que jamais ! Avec le temps, j’ai un accès plus direct à ce qu’il y a au fond de moi.

Votre écriture a-t-elle évolué avec cette envie de moins se dérober ?

On peut toujours lui trouver des contours abscons, mais il me semble qu’elle devient plus concrète. Ce matin, au hasard d’un moment d’oisiveté à la maison, j’ai remis les mains sur un vieux carnet dont les pages sont couvertes de notes au stylo : il s’agit du manuscrit de mes chansons d’il y a dix ou quinze ans où ma manière d’écrire était extrêmement énigmatique. Elle est l’équivalent du fameux masque dont je me débarrasse petit à petit…

Vous êtes moins elliptique dans l’écriture romanesque* que dans vos chansons…

Bien sûr. Un texte mis en musique est bref et les questions de structure ou d’architecture se posent moins que pour un roman. La mélodie et la voix transportent des événements dramatiques et narratifs qui peuvent suffir aux auditeurs. On peut écouter Bob Dylan ou des chants tibétains sans comprendre les paroles…

Étranges bips (Sur le cul), échos dub, musique éthiopienne (De corps et d’esprit), electro (Choses nouvelles) ou même disco (Grand Duc) : vous avez expérimenté des choses nouvelles avec Persona ?
Il est question d’ouvrir les fenêtres aux univers musicaux. Ça ne vous a pas échappé : composer un morceau revient à faire de la spéléologie dans mon être. Mais ma mélomanie m’a conduit à écouter des sons venant d’horizons divers. Je m’y intéresse de manière grammaticale : j’utilise des typologies plus volontiers alors qu’avant, par besoin de singularité, je craignais que ça ne m’empêche de créer ma propre musique, vierge de toutes in uences… ce qui est complétement chimérique.

Nuits bleues est un hommage à Bashung ?

C’est involontaire. Ceci dit, dans la chanson française, il y a deux guides : Brassens et Bashung. C’est facile de savoir dans quelle trajectoire je m’inscris ! Le rock anglo-saxon, la poésie contemporaine, l’aspect littéraire de la langue : nous manipulons des ingrédients en commun. Nuits bleues m’a plutôt été inspirée par l’énergie de Common people et le déroulement harmonique de Ashes to ashes. Peut-être faut-il mélanger Pulp et Bowie pour obtenir du Bashung [rires]…

Vous sentez-vous en équilibre instable, comme dans vos clips ?

Dans les grandes villes, nous voyons quotidiennement des corps en lutte contre leur instabilité… Je suis de plus en plus sensible à l’effondrement et à la chute. Je danse dans mes vidéos car un homme qui danse semble contenir l’humanité dans son ensemble. Cette pratique me permet de prendre de la distance avec moi-même, de laisser s’exprimer mon idiotie et de communier avec l’idiot en chacun.


À La Laiterie (Strasbourg), vendredi 1er mars
 
À L’Autre Canal (Nancy), samedi 2 mars

À La Vapeur (Dijon), samedi 16 mars

Au Moulin de Brainans, samedi 23 mars

À La Rodia (Besançon), samedi 18

 

vous pourriez aussi aimer