Sous le soleil exactement

Public au concert d'Omar Souleyman, Eurockeennes de Belfort 2010 © Pascal Bastien

Comment s’y retrouver au milieu de tous les festivals d’été de l’Est ? Se marchent-ils sur les pieds ? Pire, se tirent-ils dans les pattes ? Quels artistes seront de la partie cette année ? Y aura-t-il du soleil à Belfort début juillet ? Réponse à (presque) toutes ces questions.

Bêtes de Scène, Décibulles, Léz’Arts Scéniques, Les Eurockéennes… Le mélomane a de quoi s’occuper, dans l’Est, en parcourant les nombreux festivals estivaux, implantés depuis longtemps dans la région malgré la flambée des cachets d’artistes. Si Léz’Arts Scéniques a vu le jour en 2001, les Eurockéennes ont été créées en 1989 et Décibulles, en 1992. Bêtes de Scène a soufflé ses 20 bougies l’an passé tandis que cette bonne vieille Foire aux Vins d’Alsace fête sa 64e édition (avec des concerts depuis 1958). Certes, tous les festivals qui jalonnent l’été exaltent le caractère « convivial » de leur manifestation (qui se vanterait du contraire ?), mais revendiquent, chacun, leur caractère propre, leur originalité.

Ça remue des festivals
La Foire aux Vins se veut ouverte, populaire, familiale et humaine, privilégiant le mélange de genres, des publics, des âges… Cet événement bien implanté, qui a récemment convié Leonard Cohen, Iggy Pop, Neil Young ou NTM, s’offre cette année les célébrités Ben Harper, Moby, Gaëtan Roussel (également à l’affiche des Eurockéennes) ou Eddy Mitchell (voir encadré). La Foire partage un point commun avec Bêtes de Scène : leur salle de concerts couverte. Le festival mulhousien, organisé par l’équipe du Noumatrouff, a tenté ce “pari” avec succès, 1 000 spectateurs répondant présent quotidiennement. « Cette jauge réduite nous permet de ne pas avoir de pression quant au taux de remplissage », confie Matthieu Spiegel, programmateur, conscient cependant d’avoir pris des risques artistiques pour cette 21e édition. « C’est un peu flippant », pas d’énorme tête d’affiche au profit d’artistes comme Ebony Bones, Saul Williams, Architecture in Helsinki… des grands noms, mais qui « parlent aux initiés ».

Avec seulement quatre noms à l’affiche en 1992, Décibulles s’est construit grâce au « bouche-à-oreille », selon Pierre Hivert, directeur de cet événement bucolique de Neuve-Église, « perché sur une colline », dans le cadre naturel du Val de Villé. Autofinancé à 85% et recrutant cette année 400 bénévoles (essentiellement des membres d’assos partenaires), ce festival dont une des particularités est de proposer une large sélection de bières – artisanales, locales, etc. –, offre une « programmation éclectique, avec de l’art de rue depuis 2007 ». Une démarche assez similaire aux Eurockéennes, le plus important des festivals de l’Est, qui conserve l’image d’un événement à la fois rassembleur (avec une moyenne de 82 000 personnes par édition) et exigeant. « C’est notre ADN », note Jean-Paul Roland, directeur d’une manifestation qui a pour vocation, outre de convier des mégastars (cette année, Queens of the Stone Age, Motörhead, Arcade Fire…), d’être découvreuse de talents. « Notre public, très curieux, est massivement allé voir Staff Benda Bilili, il y a deux ans, avant qu’ils n’explosent. C’était leur première date hors de Kinshasa. Les petites scènes ne sont jamais vides, même pendant les concerts des têtes d’affiche », se félicite Jean-Paul.

Pour se démarquer, Laurent Wenger, directeur de Zone 51 qui organise Léz’Arts Scéniques (17 000 personnes en 2010), revendique quant à lui une « programmation alternative à destination d’un public alternatif. On affiche clairement notre différence à ce niveau-là ! » Au programme : Sum 41, Nashville Pussy ou Public Enemy, du hard rock’n’roll, du métal, du punk, du rap de dur à cuire… 38 groupes (pour 28 l’an passé) enragés, « qui envoient du lourd ». Léz’Arts Scéniques affirme haut et fort dédier sa prog’ à un “public de concert”, venu voir les artistes et non se mettre la tête à l’envers entre potes. « Le vecteur principal est la musique ! On ne fait pas la fête de la choucroute ou l’élection de miss Munster. »

« Ne pas se reposer sur ses acquis »
Léz’Arts Scéniques connut une « année de réflexion », en 2009, avant de se repositionner, de changer de formule : fini les thématiques autour des pays (le Tibet, le Japon, etc.) au bénéfice d’une mise en exergue de « l’engagement environnemental » du festival, exit aussi l’espace clos des Tanzmatten pour occuper deux scènes en plein air. Décibulles, dont c’est la 18e édition, essaye, d’année en année (avec une fourchette allant de 13 000 et 16 000 personnes), « d’améliorer le site pour le rendre encore plus accueillant », selon son directeur. Cette année, outre le géant jamaïcain Lee Scratch Perry ou les rockeurs belges de dEUS, le festival convie le dieu californien de l’abstract hip-hop DJ Shadow. « Si on m’avait dit, il y a trois ans, que DJ Shadow serait à l’affiche de Décibulles, je ne l’aurais pas cru », se réjouit Pierre Hivert, expliquant la complexité du montage d’une programmation qui se construit à force « d’abnégation, de chance, de compromis ». En 2011, il développe encore les arts de la rue et les impromptus musicaux, « pour secouer le public ». Attentif à « ne pas se reposer sur ses acquis », Pierre précise : « On se remet en question chaque année. » Même son de cloches du côté des Eurockéennes ou de Bêtes de Scène : « Il n’y a pas de formule gagnante », remarque Matthieu Spiegel, directeur d’un festival qui a renoué cette année avec l’esprit originel d’une programmation allant de l’ethno à l’electro, notamment en conviant Rainbow Arabia (mix d’electro et de musique orientale) ou encore Ebony Bones qui mêle ragga, hip-hop, afrobeat et énergie punk. « Certains festivals de l’Est s’étant un peu inspirés de l’esthétique de Bêtes de Scène, nous avons tenté de nouvelles choses », quitte à parfois s’éloigner du groove caractéristique de l’événement mulhousien.

Rapattitude
« J’ai été marqué par le passage de DJ Krush il y a plus de dix ans, un des moments forts de l’événement », s’enthousiasme Matthieu Spiegel, citant encore le show d’Amon Tobin, artiste signé sur Ninja Tune. Depuis ses débuts, Bêtes de Scène suit le label anglais né la même année. En 2011, il sera représenté par The Qemists, The Heavy ou DELS, « une exclu ». Présenté comme le nouveau Roots Manuva, ce dernier balance un rap punchy à l’anglaise. Le hip-hop est très prisé cet été. L’équipe des Eurockéennes est, par exemple, prise d’une envie de crier Jump Around à l’annonce du passage des Américains mythiques House Of Pain. 50 Cent – alias l’homme aux lyrics qui valaient trois milliards – à la Foire aux Vins d’Alsace, les fous furieux de Stupeflip (Décibulles), les affolants Odd Future (Eurockéennes), mais aussi les légendaires Assassin, les New-Yorkais de Public Enemy ou encore Akhenaton & Faf Larage (Léz’Arts Scéniques)… Le rap s’invite sur presque toutes les scènes, créant un lien entre les festivals et dressant un beau panorama.

Décibulles : du 24 au 26 juin à Neuve-Église (67)  -30% avec la carte VitaCulture
Ramp’Art festif : du 24 au 26 juin à Wissembourg (avec Fanga, Malted Milk…)
Rock a Field : le 26 juin à Luxembourg (avec Arcade Fire…)
Festival Jazz et Musique Improvisée en Franche-Comté : du 27 juin au 2 juillet (30e édition)
Les Eurockéennes : du 1er au 3 juillet à Belfort
Bêtes de Scène : du 7 au 10 juillet à Mulhouse
Stimmen : du 7 au 31 juillet à Lörrach (Allemagne)
Météo : du 11 au 17 août à Mulhouse
Léz’Arts Scéniques : du 14 au 16 juillet à Sélestat (-30% avec la carte VitaCulture)
Festival Natala : du 13 au 17 juillet à Colmar (concerts + ciné, lire pages 62 / 63)
Das Fest : du 22 au 24 juillet à Karlsruhe (avec Skunk Anansie, Razorlight…)
Foire aux Vins d’Alsace : du 05 au 15 août à Colmar
La Petite Pierre Jazz : du 5 au 15 août à La Petite Pierre (avec Ahmad Jamal, Youn Sun Nah, Lucky Peterson Quintet…)

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