La santé à tout prix au Musée Tinguely avec Paddy Hartley

Paddy Hartley, A perspective on health, 2021 © Daniel Spehr / Museum Tinguely

Entre répulsion et fascination, Paddy Hartley explore, à travers The Cost of Life, l’impact des progrès fulgurants de la médecine sur nos sociétés obsédées par la santé au Musée Tinguely.

Dès l’entrée, le visiteur est happé par sept étranges et délicates jarres de aiguilles à piercing. Insaisissables, intouchables, inapprochable, au risque de se blesser. Le titre de l’œuvre ? The End… to be continued. Inspirées à l’artiste par l’interdiction faite aux familles de voir leurs proches mourants de la Covid-19 au plus fort de la pandémie en 2020, les cinéraires urnes acérées placent le spectateur dans un piquant face-à-face avec la mort et interrogent notre rapport au corps malade, vaincu, dolent. Une obsession pour le britannique Paddy Hartley, dont le travail explore depuis deux décennies les questions soulevées par les progrès de la médecine et l’essor des biotechnologies… avec des conséquences parfois contradictoires sur nos sociétés obsédées par la beauté et la santé à tout prix. Organisée par le Musée Tinguely et Roche à l’occasion du 125e anniversaire du géant suisse de l’industrie pharmaceutique, The Cost of Life retrace la carrière de ce céramiste et sculpteur touche-à-tout.

Fasciné par les premières expérimentations de reconstruction faciale menées par Harold Gillies sur les gueules cassées de la Première Guerre mondiale, Hartley a retrouvé les descendants du chirurgien et de certains de ses patients, cherchant à savoir ce qu’avait été leur vie d’après. « Ce ne sont pas nos corps en tant que tels qui m’intéressent, mais l’expérience des gens qui les habitent », explique-t-il. Make my move for me, will you, my Love (Déplace-le pour moi, veux-tu, ma chérie) est ainsi inspiré de l’histoire de William Vicarage, premier soldat de la Royal Navy à avoir subi une greffe de peau après de graves brûlures au visage et aux mains pendant la bataille du Jutland en 1916. L’œuvre figure un jeu de solitaire, dont le plateau en porcelaine dessine les contours de la région du Swansea où il travailla comme plombier à son retour du front. Les pions sont formés de divers éléments d’horlogerie – le premier métier de Vicarage. Le titre, lui, reprend les mots du vieil homme, qui demandait à sa petite fille de jouer les coups pour lui, à cause de la dextérité réduite de ses mains reconstruites. D’autres sculptures sont plus directes dans leur conception, tels les implants de hanche assemblés au mur pour former d’étranges croix (Splints), les rosaires de pilules de Xanax et Viagra (Rosary I & II) ou encore les serpents menaçants d’HypoTrypanoPharmAlethephobia or The Frustration of the Virologist. Pièce maîtresse de l’exposition, cette sculpture en forme de chevelure médusienne synthétise quatre phobies désespérément actuelles : hypocondrie, terreur des aiguilles, crainte maladive des médicaments et – pire du pire – peur de la vérité.

Au Musée Tinguely (Bâle), jusqu’au 23 janvier
tinguely.ch

La seconde partie de la rétrospective est présentée en parallèle au Musée de la pharmacie de l’Université de Bâle
pharmaziemuseum.ch

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