Monstres & cie

Thomas Schütte, Drittes Tier, 2017 © Aurélien Mole / Monnaie de Paris © Thomas Schütte / ADAGP, Paris, 2019

Artiste multiforme, l’allemand Thomas Schütte (né en 1954) ne s’est jamais laissé enfermer dans un style, un médium ou un système à l’image de Gerhard Richter qui fut un de ses professeurs. Dans une exposition intitulée Trois Actes se découvre son œuvre, sculptures et dessins, mais aussi pièces plus conceptuelles dont ses maquettes et autres objets architecturaux non identifiés qui l’ont fait connaître au début des années 1980. Accueilli dans les espaces extérieurs par d’immenses bronzes, le visiteur demeure fasciné par Drittes Tier (Trosième Animal), “fontaine” de 2017 représentant un dragon mélancolique et naïf – la source d’inspiration est une figurine de pâte à modeler réalisée par les enfants du plasticien – crachant de la fumée par ses naseaux. À côté, se trouve un des avatars de la série United Enemies déclinée, au fil des ans, en diverses tailles et composantes. Cette version datant de 2011 montre deux hommes de près de quatre mètres de haut, liés par des cordes. Ils ont la semblance de bizarroïdes marionnettes au faciès grimaçant.

Thomas Schütte, United Enemies, 2011 © Aurélien Mole / Monnaie de Paris © Thomas Schütte / ADAGP, Paris, 2019

Dans la première section de l’exposition intitulée Muses et Héros se découvrent d’autres figures humaines : dans un jeu permanent entre le monumental et l’intime se dévoile une des caractéristiques majeures de l’œuvre d’un sculpteur se servant des matériaux les plus variés, verre de Murano, céramique, aluminium peint, bronze, acier, cire… En contrepoint, ses séries de dessins et d’aquarelles représentent une tentative de se libérer de la pesanteur de la matière en utilisant un médium plus léger et plus fluide autorisant une certaine naïveté et une grande ironie. Thomas Schütte s’inscrit dans la tradition millénaire de la sculpture : statuaire antique ou gothique, œuvres de Rodin ou de Maillol… Il est possible de saisir, ici ou là, certaines sources d’inspiration, proches ou lointaines. Reste que ses créations sont profondément ambigües : à la fois très familières et totalement étrangères, elle instillent un profond malaise. Dans un jeu incessant entre le corps rayonnant et la déliquescence des chairs s’installe une étrange dialectique entre achèvement et inachèvement. Schütte développe une fascinante esthétique du monstre semblant extraire l’enflure et la violence qui existent en chacun de nous de manière latente pour les figer dans la matière, révélant nos travers tel un habile physiognomoniste dans des réalisations évoquant parfois les Têtes de caractère baroques d’un Franz Xaver Messerschmidt comme dans la série Wichte (Gnomes) de 2006. Dans les sections suivantes (L’Autre et l’au-delà puis Du Modèle au monument) continue à se déployer le credo d’un plasticien dont les « œuvres ont pour but d’introduire un point d’interrogation tordu dans le monde. »

À La Monnaie de Paris jusqu’au 16 juin

www.monnaiedeparis.fr

www.thomas-schuette.de

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