Mangacatch

Avec La République du catch, Nicolas de Crécy s’essaie au manga sur fond de musique classique et de créatures oniriques. Une absolue réussite.

La dernière expérience graphique et narrative de Nicolas de Crécy démarre en 2009, lorsqu’est publié Le Bibendum céleste au Japon. Fasciné, le rédacteur en chef du magazine Ultra Jump propose à l’ancien pensionnaire de la Villa Kujoyama de réaliser un manga. Une première pour un non nippon ! Le voilà embringué dans une aventure de dingue : entre août 2014 et mars 2015, il livre ses 25 planches mensuelles. Le résultat ? Il est époustouflant et a la semblance d’un hybride entre roman graphique à l’européenne et codes narratifs japonais pour un polar drolatique et onirique se déployant dans un beau noir et blanc. Dans une ville tentaculaire qui évoque NYC, un marchand de pianos, petit bonhomme binoclard et mélancolique, n’a qu’un seul ami, un manchot – oui, un pingouin – mutique maître du clavier qui interprète Debussy, Schubert ou Ravel (le Concerto pour la main gauche, pour un manchot, ça s’impose) comme un dieu. Le vendeur d’instruments appartient à une famille de yakuzas qui veut s’emparer de son vaste local pour y installer des machines à sous. Voilà le point de départ d’une histoire où l’on croise un (très très très) méchant bébé mafieux, une armée de catcheurs survitaminés en collants moulants (rappelant les mythiques vedettes françaises des fifties comme L’Ange blanc ou Le Bourreau de Béthune, un hybride homme / machine gun qui rétrécit au fil des pages et d’étranges et amicales créatures, des catcheurs ratés réfugiés dans une usine abandonnée qui font penser aux yōkai, les fantômes de la mythologie japonaise. Ces laissés pour compte – un cycliste aux membres tout mous, un “homme perruque” tout en cheveux… – vont combattre les catcheurs bodybuildés… et les losers battront les winners ! Du coup les bandits manchots ne remplaceront pas le manchot qui joue du Chopin. Une fin (ouverte… on attend une suite !) en forme de happy end improbable qui voudrait que la musique classique triomphe de l’entertainment débile. On peut rêver…

La République du catch est paru chez Casterman (20 €)

www.casterman.com

 

vous pourriez aussi aimer