Let your body learn

Einhorn, 1970, Rebecca Horn Workshop © Rebecca Horn / ADAGP, Paris 2019; Photo d’Achim Thode

Fantasmagories corporelles à Bâle et Théâtre des métamorphoses à Metz : deux expositions concomitantes et complémentaires explorent l’art total de Rebecca Horn.

Âgée de 23 ans, Rebecca Horn (née en 1944), alors étudiante, est intoxiquée par les vapeurs des résines dont elle se sert pour mouler des empreintes de son anatomie. Au repos forcé dans un sanatorium pendant de longs mois, expérimentant la solitude et la souffrance physique, elle donne une orientation décisive à son art. En ouverture de l’exposition messine se découvrent ainsi des œuvres oscillant entre body art et performance permettant d’amplifier l’expérience perceptive – avec des extensions corporelles comme d’immenses gants arachnéens évoquant Edward aux mains d’argent – tout en contraignant le corps, telle La Fiancée chinoise dans laquelle le spectateur ne peut malheureusement entrer pour ressentir l’enfermement et le noir intégral. Entre fétichisme et fantasmagories médicales rappelant les visions de Romain Slocombe, les œuvres entrent en résonance avec des figures du surréalisme, Meret Oppenheim en tête. Prothèses et autres appendices corporels – comme la vision poétique de l’artiste arpentant la campagne allemande contrainte par des bandelettes faisant tenir une immense corne de licorne sur son crâne – laissent peu à peu la place à masques, éventails ou vêtements qui métamorphosent les corps en chimères et proposent parades nuptiales et danses macabres. Pensons à La Douce prisonnière, double éventail de plumes blanches s’ouvrant et se refermant, libérant puis masquant une jeune femme captive.

Mechanischer Körperfächer, 1974 / 75. Rebecca Horn Workshop © Rebecca Horn / ADAGP, Paris 2019 © Droits réservés; Photo d’Achim Thode

Entre vidéos, objets et autres documents liés à des performances passées, le parcours se poursuit au Centre Pompidou Metz, alliant bien souvent légèreté du geste et violence du propos et utilisant parfois des processus électriques et mécaniques : « Pour moi, les machines sont douées d’âme, elles agissent, elles frémissent, elles tremblent, elles perdent connaissance et reviennent subitement à la vie », explique l’artiste. Illustration avec le théâtre de la cruauté de La Fiancée prussienne et Concert for Anarchy où de furieuses dissonances jaillissent, en même temps que ses touches sauvagement expulsées, d’un piano à queue suspendu au plafond par les pieds. C’est dans cet espace interstitiel entre douleur et raffinement que se déploie l’œuvre de Rebecca Horn. Le visiteur le constate aussi au Musée Tinguely, où sont rassemblées premières réalisations performatives – comme les expériences faites avec une paire d’ailes semi-circulaires en toile blanche – et sculptures cinétiques plus tardives.


Au Musée Tinguely (Bâle) jusqu’au 22 septembre et au Centre Pompidou Metz jusqu’au 13 janvier 2020
tinguely.ch
centrepompidou-metz.fr

 

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