Le paradis tricolore

La Terre promise, Dur’s Elsass n°149, 1912

À Mulhouse, une exposition rend hommage à Henri Zislin, dont les dessins inspirés et violents marquèrent le début du XXe siècle. À la découverte d’un inlassable défenseur de l’Alsace française… à une époque où elle ne l’était pas.

Éclipsé par la gloire d’un Hansi qui œuvra sur un terrain similaire, l’artiste mulhousien Henri Zislin (1875-1958) fait l’objet d’une belle exposition. Elle a le mérite de faire (re)découvrir sa plume très inspirée. Dessinateur pour l’industrie textile, il est fasciné par les multiples revues satiriques qu’il dévore, les françaises (L’Assiette au beurre, en tête) comme les allemandes (dont le mythique Simplicissimus) C’est au début du XXe siècle qu’il commence a frapper fort sur l’occupant allemand, éditant des journaux caustiques défendant la culture alsacienne et brocardant avec violence le Reich, comme les hebdomadaires D’r Klapperstei ou Dur’s Elsass (plus de 250 numéros parus). Insolent, il dessine une Alsacienne à l’air bougon dans l’obscurité d’une ombrelle occultant les rayons bienfaisants du soleil tenue par un Allemand portant chapeau à plume et godillots à clous. Régulièrement condamné, il ne se résigne pas, malgré amendes et emprisonnements, mais une fois la guerre déclarée, rejoint les troupes françaises, mettant son crayon au service de la propagande bleu blanc rouge.

Un Hindenburg exagérément gras entouré de têtes de morts qui déjeune d’un bol de soldats allemands morts. Des civils ridicules quittant avec armes, bagages et bocks de bière la riante Alsace sous le regard sévère d’un militaire en pantalon garance. Le Kronprinz (prince héritier) tourné en ridicule version Grosse Bertha. Un dieu germanique portant des tables de la loi désignant la riche Alsace à une horde de Teutons pouilleux pour qu’elle la colonise. Zislin n’y va jamais avec le dos la cuiller pour se moquer du “Boche” : l’humour est manichéen, corrosif, outrancier et féroce, le trait très efficace… alors qu’il se fait naïf et un peu niais lorsqu’il représente de jeunes Alsaciennes en costumes traditionnels apportant un bouquet de fleurs à un galonné de l’armée française. Le succès de l’artiste est immense : martyr de la liberté de la presse avant 1914, il publie ensuite livres et cartes postales à foison. Mais le retour à la paix est ardu, même s’il produit, dans les années 1920 et 1930, des dessins parmi les meilleurs de sa carrière, s’attaquant aux autonomistes alsaciens et à Hitler qu’il représente, prémonitoire, en 1933 coiffé d’une auréole ornée de croix gammées dégueulant des torrents noirs formés de milliers de soldats se dirigeant vers l’Alsace-Lorraine, l’Autriche ou la Pologne.

À Mulhouse, au Musée historique, jusqu’au 16 novembre

03 89 33 78 17 – www.musees-mulhouse.fr

 

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