Bussang, l’utopie du théâtre avec David Bobee

Théâtre du Peuple en 1950

Depuis 1895, le Théâtre du Peuple de Bussang est une utopie artistique in progress, demeurée fidèle aux aspirations de son fondateur, Maurice Pottecher. À l’occasion d’une cuvée 2009 qu’on annonce excitante – avec notamment l’invitation faite au trublion David Bobee –, nous avons fait un petit tour dans les Vosges.

Nous sommes dans les années 90 du XIXe siècle : un jeune Vosgien fils de (bonne) famille monté à Paris, Maurice Pottecher (1867-1960), s’essaie aux lettres. Ses amis se nomment Marcel Schwob, Paul Claudel ou Jules Renard. Mais l’atmosphère de la capitale est étouffante, sclérosée. Le milieu théâtral tourne en rond. Les “professionnels de la profession” ont pris le pouvoir. Il décide donc de retourner au pays, à Bussang, afin de « créer un théâtre qui fût accessible à tous, au peuple entier sans exclusion de caste ni de fortune, et qui pût intéresser tous ceux, d’esprit même très divers, qu’il réunirait sur ses gradins ». L’aventure du Théâtre du Peuple débute en 1895 avec Le Diable marchand de goutte (texte et mise en scène de Maurice Pottecher). Une unique représentation en plein air attire alors plus de 2 000 personnes.

Très rapidement, les “principes” qui régissent aujourd’hui encore le lieu sont posés : un théâtre d’amateurs (en harmonie avec le public qui les regarde) réalisé en collaboration avec des professionnels, des textes contemporains permettant à tous de se divertir et de s’instruire… Tout cela étant résumé dans la devise inscrite, dès 1896, sur le fronton du théâtre : « Par l’Art pour l’Humanité ». Une structure de bois sort également de terre, une immense grange en guise de lieu de représentation qui ressemble ainsi beaucoup à celui où travaille une grande partie du public local. Une particularité du bâtiment fera aussi son succès : le mur de fond de scène s’ouvre sur la forêt vosgienne, qui devient, dans chaque production, un décor naturel où évoluent les comédiens. Jusqu’en 1972, le répertoire est presque exclusivement composé des pièces du fondateur du Théâtre du Peuple (qui le dirige jusqu’en 1960), le plus souvent inspirées des coutumes populaires et des légendes vosgiennes. C’est avec l’arrivée de Tibor Egervari que sont aussi montés Shakespeare, Molière ou Labiche. Le mouvement s’accentuera avec ses successeurs : Olivier Py ou Peter Handke font leur entrée au répertoire. Depuis septembre 2005, Pierre Guillois a pris la tête d’une belle machine qui accueillit l’été passé plus de 27 000 spectateurs, créant aussi une “saison d’hiver”.

Théâtre du Peuple en 2009 © Maxime Stange pour Poly

L’auteur et metteur en scène qui définit un théâtre populaire, comme « celui qui a un public », se sent – évidemment – dépositaire de la tradition. Il est heureux de ce « public très attaché au théâtre dans lequel il est venu, petit, et où il revient aujourd’hui. Il existe des fidélités de génération en génération ». Et de poursuivre : « On a en même temps une désacralisation du théâtre qui est ici une grange ouverte sur l’extérieur et une sacralisation avec la croix de Lorraine trônant sur le fronton de la salle. Il s’agit, à la fois, d’un temple et d’un moulin ». Après une entrée en matière fracassante et un Ubu qui en a choqué certains, Pierre Guillois a renoué avec une autre tradition, celle de présenter des textes écrits (et montés) par le directeur du Théâtre du Peuple. Cet été, avec Un Cœur mangé, il nous propose une pièce historique (écrite avec Guy Bénisty, rencontré à l’Atelier du Rhin) sur les Croisades : « C’est un spectacle que je voulais tragique, mais nous n’y sommes pas vraiment parvenus. Il est épique avec des personnages comiques, des chevaux sur scène. Nous avons voulu voir comment une religion avait pu mener des milliers de personnes à faire la guerre ».

Alors ? Leçon de théâtre ? Leçon de vie ? Leçon de morale comme l’étaient à l’origine les pièces de Maurice Pottecher ? Chacun y trouvera ce qu’il cherche puisque comme l’affirmait Jean Vilar (directeur du Théâtre national populaire) en 1958 : « Bussang est une entreprise émouvante. Une leçon, au meilleur sens du terme ».

Cet été à Bussang, au Théâtre du Peuple
*Un Cœur mangé du 11 juillet au 29 août
*Gilles du 5 au 29 août
03 29 61 50 48 – www.theatredupeuple.com
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