Avant l’Espadon…

La librairie Tribulles fait rayonner la BD dans l’Est, invitant nombre d’auteurs majeurs. Il y a quelques jours, c’était au tour d’André Juillard de faire le voyage de Mulhouse pour le nouveau Blake et Mortimer. Nous y étions aussi…

Admiratif et familier « depuis [s]on enfance » de l’œuvre de Jacobs André Juillard aborde son sixième album dédié aux héros les plus british de la bande dessinée franco-belge en compagnie du scénariste Yves Sente. Précurseur du revival fifties qui semble marquer le neuvième art (avec le retour – enfin réussi – d’Alix désormais Senator ou les Buck Danny “classic” se déroulant en Corée), le duo propose un prequel du Secret de l’Espadon. On demeure admiratif devant le trait du  dessinateur des Sept Vies de l’Épervier qui se coule dans le style graphique de la série originelle sans abdiquer une patte aisément reconnaissable, jouant subtilement des multiples possibilités offertes par la ligne claire. Les raisons de ce petit miracle ? « Un long compagnonnage avec Jacobs… Déjà dans les années 1980, j’avais réalisé, dans le Journal Tintin, une planche en hommage à l’auteur prenant pour thème Le Mystère de la Grande Pyramide. Il m’avait envoyé un mot de remerciements touchant. Par la suite, on m’a proposé de dessiner le deuxième tome des 3 Formules du professeur Satō. Je l’avais décliné, car ce n’était pas “mon” Blake et Mortimer… Je préférais les épisodes des années 1950 ». C’est l’exécuteur des basses œuvres de la ligne claire, Bob de Moor, qui s’y était collé, avec abnégation et talent, près de vingt ans après le tome 1. Le travail de Ted Benoit en 1996 dans L’Affaire Francis Blake s’est révélé décisif, « montrant qu’il est possible de respecter les fondamentaux d’une série sans renoncer à être soi-même ». C’est ce credo que privilégie André Juillard, trouvant la juste distance entre la lettre et l’esprit de Blake et Mortimer, refusant le décalque de l’œuvre originelle – le servile plagiat n’est excitant, ni pour l’auteur, ni pour le lecteur – mais en demeurant respectueux des codes mis en place dès le premier épisode.

Après un opus précédent décevant réalisé par d’autres – la trop verbeuse Onde Septimus – nous retrouvons avec plaisir le duo Juillard / Sente. Véritable horloger, ce dernier a imaginé une intrigue huilée comme une mécanique de précision se déroulant en 1944, juste avant le débarquement de Normandie, alors que les Alliés préparent déjà la Troisième Guerre mondiale face aux forces sanguinaires de Basam-Damdu. Dans cette histoire d’intox, de codes secrets et d’espionnage, on apprendra comment nos héros ont rencontré Olrik ou encore pourquoi ils logent chez une certaine Mrs. Benson… On y verra aussi Blake piloter le Golden Rocket sauvant le Parlement britannique des assauts d’un Horten 229, arme secrète de la Luftwaffe à la semblance d’une aile volante à réaction. Un clin d’œil à la série à succès des Wunderwaffen ? La suite de l’histoire est connue puisque Jacobs l’a narrée dans Le Secret de l’Espadon à la fin des années 1940. Quant au duo Juillard / Sente, il va continuer à explorer les interstices temporels de la saga Blake et Mortimer (et ils sont nombreux) dans un prochain opus sur lequel le dessinateur reste mystérieux : « Il pourrait se passer en Italie. Il y serait question d’un manuscrit et de Shakespeare… ». Wait and see.

Le Bâton de Plutarque, est paru aux éditions Blake & Mortimer (15,95 €)

www.dargaud.com/blake-mortimer

Une exposition dédiée à André Juillard et aux dessins de cet album se tient à la Galerie Barbier & Mathon (10, rue Choron à Paris), jusqu’au 10 janvier 2015

www.barbiermathon.com

 

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