Au Musée Tinguely, Julian Charrière présente Midnight Zone

Julian Charrière, The Blue Fossil Entropic Stories III, 2013 © 2025 ProLitteris, Zürich, Copyright the artist

Dans Midnight Zone, exposition centrée sur l’eau, Julian Charrière se penche avec acuité et poésie sur l’état de la planète. 

Une minuscule et fragile silhouette sombre se détache sur le blanc éclatant d’un immense iceberg flottant sur l’Océan Arctique : en observant de plus près les trois clichés éminemment picturaux (qui renvoient à certaines toiles de Caspar David Friedrich) de The Blue Fossil Entropic Stories (2013), le visiteur constate que le petit personnage – l’artiste lui-même – fait fondre la glace avec un chalumeau à gaz. Avec cette série, Julian Charrière pointe l’impact de l’activité humaine, montrant les conséquences des actions individuelles sur l’écosystème et l’absurdité de nos comportements. Dans le travail du Franco-Suisse, savoir comment l’Homme habite le monde (et vice-versa) est en effet central. Tel est le propos de Midnight Zone, titre de l’exposition – qui renvoie à la zone bathypélagique (entre 1 000 et 4 000 mètres de profondeur, où la lumière du soleil disparaît) – et d’une vidéo de 2024 questionnant la prédation potentielle dans la zone de fracture de Clipperton : riche en nodules polymétalliques, elle est fragile et peuplée d’une faune et d’une flore étranges et fascinantes. Le plasticien met en lumière les risques inhérents à l’exploitation capitalistique des abysses, plongeant dans un espace aquatique onirique aux résonances métaphysiques. 

Placé sous le signe de l’eau, « la condition de toute vie, la première enveloppe de la Terre, le moyen de notre devenir », pour Julian Charrière, qui arpente inlassablement la planète (sur terre dans des sites aussi emblématiques que Semipalatinsk, où les Soviétiques firent des essais atomiques, ou sous l’eau), le parcours est varié. Il nous emporte dans les cuisines oubliées d’un porte-avions américain, coulé dans le lagon de l’atoll de Bikini (Silent World, Saratoga, 2018), dénonçant les essais nucléaires, ou dans les fonds marins pollués. The Gods Must Be Crazy (2019), installation faite de 49 écrans, montre ainsi des images où se découvrent, dans une archéologie répugnante, les déchets produits par nos sociétés : canettes de Coca-Cola, morceaux de plastique à l’usage indéterminé, etc. Plus poétiques sont les clichés mystiques d’apnéistes nus dans les eaux mexicaines (Where Waters Meet, 2019), apparitions fantomatiques en suspension illustrant ce que Romain Rolland qualifiait de « sentiment océanique », celui de faire corps avec l’univers. Tout aussi lyrique se présente Albedo (2025), filmé dans les eaux arctiques, sous la glace, et projeté au plafond du musée comme un cri d’une intense beauté pour nous alerter sur la fonte de la banquise. 


Au Musée Tinguely (Bâle) jusqu’au 2 novembre
tinguely.chjulian-charriere.net 

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