Zoom sur Imprisoned Gods de Lukah Katangila au Grand Théâtre de Luxembourg

Imprisoned Gods © Tom Leentjes

Né en République démocratique du Congo, le chorégraphe Lukah Katangila interroge le passé colonial du continent et son héritage dans Imprisoned Gods, mêlant danses traditionnelles et hip-hop.

Votre nouvelle création, pilotée en collaboration avec Wim Vandekeybus et sa compagnie belge Ultima Vez, plonge dans l’histoire d’un territoire marqué par les colons, les croyances ancestrales et l’imposition du christianisme. Quel déclic vous a poussé à relier toutes ces thématiques ?
En tant qu’artiste et activiste, je me pose des questions. Chaque jour, les restitutions font la Une : on nous rend ce qui a été volé, c’est une chouette chose, mais qu’est-ce qu’on en fait ? En Afrique, les jeunes ont par exemple peu de notions culturelles sur ce que représentent les masques. On n’en parle pas, à part à l’église, où on nous a enseigné que c’était lié à un certain fétichisme. Dans le système éducatif, il n’y a rien. C’est là qu’est née l’idée de la pièce.

Le hip-hop évolue aux côtés des danses traditionnelles Mboka, Rega, Tembo, Shi et Hunde. Qu’est-ce qui les caractérise, et pourquoi cette alliance ?
Nous sommes quatre interprètes. Je les connais tous, on a grandi ensemble, fait des battles de rue à Goma, donc je sais qu’ils sont connectés à l’urbain et à la tradition. Les fusionner est intéressant, car avec le temps, j’ai compris que les mouvements étaient similaires. Le hip-hop apparaît au début, puis chacun le mélange à une danse ancestrale. Le Mboka est la danse traditionnelle des Tembo, la tribu de mes ancêtres. C’étaient des chasseurs d’éléphants, donc elle s’inspire des bruits de l’animal quand il marche. Le Shi se rattache à la pêche, les gestes s’apparentent plus au lancer de hameçon, de filet… La danse Rega puise ses origines dans la chasse, il y a donc de multiples mouvements centrés sur les épaules, la force. Le Hunde s’inspire presque de toutes les autres. Il y a beaucoup de déhanchés. Nous créons des rythmes en attachant des clochettes sur nos pieds et avec des percussions.


Des projections vidéo soulignent également ce lien entre passé et présent…
Une toile tendue renvoie les images d’une matière sanguinolente, en référence au règne de Léopold II, pendant la période coloniale, durant laquelle beaucoup de personnes ont perdu la vie. On voit ensuite de l’or liquide, symbole de cette ressource exportée en Europe, ainsi que de l’eau, en rapport au fleuve Congo et aux chutes de Zongo qui ont connecté beaucoup de monde et facilité le trafic, touristique, mais aussi la traite d’esclaves.

Quant aux costumes, que racontent-ils ?
L’ensemble Minganji, en raphia, est un habit traditionnel dont l’histoire est en train de disparaître. Peu d’artistes l’utilisent aujourd’hui. Il illustre aussi une connexion avec la nature qui m’intéresse. De plus, nous souhaitions connecter ces deux époques avec des choses casual qui nous ressemblent : un danseur porte un haut jaune, couleur du drapeau congolais, tandis qu’un autre arbore une cravate et une chemise un peu plus chic, montrant que n’importe qui peut s’habiller ainsi.


Au Grand Théâtre (Luxembourg) vendredi 20 et samedi 21 juin
theatres.lu

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