Tiken Jah Fakoly : retour aux racines
Infatigable militant et musicien, Tiken Jah Fakoly offre une redécouverte de ses plus grands titres en Acoustic. Rencontre avec cette figure de proue du reggae africain.
Vous avez sorti Acoustic, un album où l’électronique est totalement absente. Pourquoi ?
Je souhaitais faire un projet acoustique depuis longtemps, j’ai été élevé avec ces sonorités, on peut en écouter beaucoup en Guinée et au Mali. Mais je n’osais pas en parler, car je ne savais pas comment mes fans l’accueilleraient. Et puis, au cours d’une réunion avec ma maison de disques, j’ai finalement émis l’idée et leur ai partagé mes doutes. Ils m’ont tous rassuré en me disant que c’était super, que ce serait bien reçu. Nous avons donc décidé de nous lancer, et je pense que l’on a bien fait.
Créer une version acoustique de vos chansons permet-il de les interpréter autrement ?
Oui, complètement. Je pense qu’une telle interprétation donne le pouvoir à la voix, cela permet donc de rendre le discours encore plus fort. Les gens ont accès plus clairement au message que lorsqu’il s’agit de reggae.
Comment avez-vous pioché les morceaux présents dans l’album ?
J’en ai choisi deux et j’ai laissé la décision des autres à mes collaborateurs, car ils connaissent très bien ma musique. Je suis très démocrate dans le travail, je leur ai donc demandé de me proposer des titres, car ils représentent mon auditoire. Mon manageur avait 18 ans la première fois qu’il m’a vu en concert, il a donc pu suivre mon évolution et ce qui a marqué ma carrière. Quand ils m’ont présenté les chansons, j’étais en totale adéquation.
Quelle a été votre sélection personnelle ?
D’abord Justice, car le sujet qu’il traite est important pour moi. Il y a beaucoup d’inégalités dans le monde, surtout en Afrique, où beaucoup d’innocents se retrouvent en prison. Cela me permet de réaffirmer mon engagement contre cela. Il y a également Djourou, qui est le cri de désespoir d’une personne qui a travaillé et qu’on refuse de payer. Ce sont des chansons qui me tiennent à cœur.
Parmi ces rééditions, il y a tout même une chanson inédite : Arriver à rêver. Est-ce votre cas ? Avez-vous de l’espoir pour le futur ?
Oui, j’ai toujours de l’espoir. Ce monde a traversé des moments difficiles par le passé, entre les différentes guerres, l’inflation, les famines, les maladies. Mais l’humanité reste debout et vainc toujours. Nous avons cette capacité à surmonter les difficultés et nous n’avons pas le choix de faire les choses de telle sorte à ce que les générations futures retrouvent un monde en paix.
Vous êtes un artiste qui a toujours défendu les injustices. Quelles sont les luttes actuelles qui vous préoccupent le plus ?
Je suis très engagé contre l’excision en Afrique, je veux me joindre aux femmes pour lutter contre cette pratique. Il y a aussi encore trop de guerres, je veux apporter mon soutien à ces pays en chantant la paix. Je continue toujours à écrire sur ces luttes, je vais d’ailleurs sortir un album sur ce sujet en 2027.
Comment sont reçus vos messages lors des concerts ?
Je peux aborder des sujets qui un jour vont me valoir des applaudissements, puis le suivant, des attaques, car je ne caresse pas dans le sens du poil. Au Mali, par exemple, la révolution a avalé la liberté d’expression, j’en parle dans une chanson, ça a été mal pris par certaines personnes et j’ai été harcelé pendant des semaines. Mais je pense que c’est ça le reggae, ce n’est pas fait que pour faire danser les gens, c’est aussi politique. Quand je vois que ma musique fait réagir, je me dis que j’accomplis ma mission, celle d’éveiller les consciences.
Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) le 22 janvier
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Édité par Chapter Two Records