The Americans

Joe Jones, American Justice, 1933, Columbus Museum of Art, Ohio, achat du musée, Derby Fund, à la Philip J. and Suzanne Schiller Collection of American Social Commentary Art 1930-1970 © Reproduced with the permission of James Jones

Intitulée The Age of Anxiety, cette exposition d’une cinquantaine de toiles plonge dans la peinture américaine des années 1930, décennie paradoxale qui voit l’émergence des États-Unis en pleine crise économique comme grande puissance artistique.

Octobre 1929. Wall Street s’effondre ouvrant une période d’incertitude que les historiens nommeront a posteriori la Grande dépression : iconique, American Gothic (1930) ouvre cette exposition thématique. Encore très européenne – proche des Primitifs flamands – cette toile de Grant Wood représente un paysan et sa fille à l’allure sévère… Après une déambulation thématique dans les salles du musée, le parcours s’achève avec deux œuvres complémentaires réalisées juste avant-guerre marquant symboliquement la naissance d’un art proprement américain et les deux voies qu’il empruntera. Sont rassemblés Untitled de Jackson Pollock annonçant l’expressionnisme abstrait et la mélancolique pompe à essence d’Edward Hopper aux compositions toujours terriblement anxiogènes et métaphysiques tendance Chiroco, Gas (Station-service) illustrant l’irruption des marques (ici Mobil) dans l’espace pictural. Certains y verront un ancêtre lointain du Pop Art…

 

Entre ces deux pôles, le visiteur aura fait de belles découvertes dans des sections comme Contrastes américains : puissance industrielle et retour à la terre. Y voisinent la foi dans le progrès industriel de Charles Sheeler avec son American Landscape, vue frontale version “réalisme capitaliste” des usines Ford et la terre épuisée peinte par Alexandre Hogue personnifiant la sécheresse des collines représentées comme un immense corps féminin éreinté. Nous sommes aussi conviés à une errance On the town avec notamment le formidable The Fleet’s In ! de Paul Cadmus aux résonances clairement homo avec ses marins en perm’ dont on devine le gourdin turgescent. La politique pointe souvent le bout de son nez que ce soit avec l’ironique American Justice de Joe Jones montrant les méthodes expéditives du Ku Klux Klan ou une tête de Mussolini surréaliste et verdâtre apparaissant dans la complexe composition antifasciste The Eternal City de Peter Blume. On craque pour le tableau d’Oswaldo Louis Guglielmi (voir ci-contre), représentatif d’un “surréalisme prolétarien” où un portrait officiel de Lénine traîne dans un paysage industriel désolé, montrant une voie communiste sans issue prêchant dans le quasi-désert.

Au Musée de L’Orangerie (Paris), jusqu’au 30 janvier

www.musee-orangerie.fr

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