That’s all folks

Miet Warlop pose ses hommes-objets fantasques et son univers de bric et de broc au TJP. Avec son esthétique à la Michel Gondry, Springville forme un étonnant rêve, aussi poilant que merveilleusement incongru.

Nous les savions déjà être de grands cinéastes, des auteurs de bande dessinée hors pair, des chorégraphes innovants et des performeurs joyeusement fous furieux. Voilà qu’avec Miet Warlop, l’art belge prend une nouvelle dimension. Avec son théâtre muet totalement low-fi, la jeune artiste visuelle emporte le public dans un univers surréaliste et poétiquement absurde où plane le fantôme de Buster Keaton. Springville, mélange de danse bigarée et d’objets inventifs faits de récup’ à la Michel Gondry, se déroule autour d’une étrange maison en carton qui dégouline de rubans de plastique et de personnages mi-hommes, mi-objets. S’y croisent une table nappée aux gambettes chaussées de tallons aiguilles, un carton sur pattes avec une trompe en tuyau, un homme-tableau électrique pétaradant d’étincelles à la moindre contrariété ou encore un joggeur loufoque de trois mètres de haut aux membres bien trop petits et aux paroles absolument incompréhensibles.

Cartoon
Miet Warlop n’oublie pas de proposer une présence humaine à cet univers régi par la douce folie des cartoons à la Tex Avery où tout échappe délicieusement aux lois du possible et du probable. L’homme qui habite cette étrange maison de Springville ne semble pas dérangé par le fantasque des irruptions de personnages sur fond de bruitages rappelant ceux des jeux vidéos et des génériques de série (L’Agence tous risques remixé, souvenirs souvenirs). Ce rêve éveillé repose sur un savant humour de situation dans lequel les gags en série constituent un enchantement visuel permanent, peuplé de trouvailles absurdes et savoureuses. L’homme-carton broie du noir ? Une fumée colorée s’échappe d’un de ses angles. Il trouve la femme-table aux jambes enivrantes à son goût ? Il sort de ses entrailles verres et bouteilles à poser dessus, le meilleur moyen de s’approcher de la belle… Rien ne tourne véritablement rond dans cet étrange royaume du burlesque : la maison, secouée de soubresauts, semble happer les protagonistes qui rendent l’âme, tour à tour dans des gargouillis plus ou moins inspirés, sans jamais trop de sérieux ni de gravité, comme les petites morts répétées du Coyote poursuivant sans relâche Bip-Bip. Qu’il est bon de panser le monde avec les yeux d’un enfant doucement rêveur…

À Strasbourg, au TJP Grande scène (dès 14 ans), du 23 au 25 novembre dans le cadre du “Week-End TJP”
03 88 35 70 10 – www.tjp-strasbourg.com
www.mietwarlop.com

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