Poésie et géopolitique au menu de Passages Transfestival 2024

© Peter Honnemann Kampnagel

Le messin Passages Transfestival déploie une édition insulaire nommée Archipelago, à la fois transdisciplinaire et géo-poético-politique.

Loin des îlots esseulés sous des latitudes effacées, le rendez-vous performatif et international qu’est Passages Transfestival convie cette année un archipel d’artistes. Metz devient le point de convergence d’esthétiques, d’engagements et de découvertes marquantes avec un fort accent suisse. L’Helvète François Grémaud livre ainsi une version contée du chef-d’œuvre Giselle… (10/05, Opéra-Théâtre), dans laquelle l’érudition le dispute à la joie. Samantha van Wissen glisse sa sensibilité dans l’espace nu du plateau pour faire naître, dans nos seules têtes, ce ballet romantique dont la musique est interprétée en direct par quatre instrumentistes. Elle dénoue avec subtilité ce qui fait geste et sens, ouvre un monde à partir de petits riens, maîtrise l’art de dire ce qui chamboule et active dans une radicalité du dénuement. Un triple parcours de performances (12/05, Centre Pompidou-Metz) attend les curieux avec notamment La Peau entre les doigts, dans laquelle Catol Teixeira danse et improvise au milieu du public, tentant de chorégraphier son identité non-binaire dans un questionnement sur le seuil et l’intimité. Venu de Mayotte, Aliféyini Mohamed Lil’C livre, pour sa part, un solo puissant : dans Shido (25/05, QG Saint-Pierre-aux-Nonnains et 21/05, Manège de Reims) il explore par la marge la perception du corps et du monde de son frère autiste. Passant de la transe à la sidération, d’autres réalités se font jour à partir des vibrations sonores corporelles. Sa tentative de se reconnecter aux différentes réalités spatiotemporelles du monde passe par le déplacement de son corps en équilibre instable sur des cailloux. 

Ne manquez pas le duo Tropique du Képone (19/05, QG Salle du Gouverneur), performance dansée, abreuvée d’un afrofuturisme radical. Marlène Myrtil et Myriam Soulanges s’emparent du scandale du chlordécone, insecticide cancérigène aux conséquences dramatiques dans les Antilles. Noyées sous une lumière bleu képone (ou bleu barbare), les voilà qui inventent une fiction qui mélange archives, récits et paroles engagées. Dansent la dévastation et l’indignation dans une invitation au soulèvement, au détour et à la fugue, à la mutation des luttes et des consciences. Ce voyage au cœur du mal trouvera un écho tout en géniale démesure chez Marlene Monteiro Freitas, présentant Mal – Ivresse divine (16/05, Arsenal). Avec son énergie débordante et sa corporalité virtuose, la Cap-Verdienne plonge ses neuf interprètes dans le chaos et la violence bureaucratique, digne du Brazil de Terry Gilliam. Âmes tourmentées et disjonctages grotesques forment un tableau collectif d’une humanité grimaçante qui dérape sous les injonctions de la morale, de la religion et des politiques. Seule échappatoire au marasme du pas cadencé de cette dictature qui déraille, l’hallucination individuelle, l’absurde et la fantaisie survitaminée se déchaînent… constamment ! 


Dans divers lieux de Metz et de Thionville du 10 au 26 mai
passages-transfestival.fr

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