Tandem

Nickolas Muray, Frida et Diego avec chapeau, 1939. Courtesy Throckmorton Fine Arts © Nickolas Muray Photo Archives

Quarante Couples modernes (1900-1950) de l’histoire de l’art sont réunis dans la nouvelle exposition événement du Centre Pompidou-Metz.

L’angle d’attaque est inédit. Passionnant. Revisiter la production artistique de la première moitié du XXe siècle à l’aune des relations amoureuses et de ce qu’elles génèrent comme intensité créatrice et processus fructueux. Pour le meilleur et pour le pire, les obscurs objets du désir, masculins (fort connus) mais aussi féminins (bien trop souvent tus ou passés sous silence), nourrissent une exposition prouvant à quel point l’histoire de l’art, même moderne, se heurte encore à privilégier les artistes mâles, reléguant au second plan leurs compagnes. Les muses aux musées prennent place dans la représentation qu’en font leurs amants, à l’instar d’une Dora Maar dont Picasso n’eut de cesse de peindre des portraits, au fur et à mesure que leur relation se dégradait. La photographe surréaliste – voir la superbe Main-coquillage de 1934 – qui avait abandonné son médium pour la peinture sous l’influence de l’Espagnol, les immortalisa, réunis sur un même mur dans un jeu de miroir entre leur idylle compliquée et leurs pratiques artistiques respectives.

Varvara Stepanova, Autoportrait, 1920 © Musée d’État des Beaux-Arts A.S Pouchkine, Moscou

Regroupant de nombreux chefs-d’œuvre, les exemples de relations amoureuses fructueuses ne manquent pas : les cultissimes designers Charles et Ray Eames, les géniaux architectes Aino et Alvar Aalto, l’abstraction géométrique de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp ou les peintres Alexander Rodtchenko et Varvara Stepanova, proche de Maïakovski, qui signent costumes de théâtre, design textile et autoportraits anguleux sur toiles, gorgés de caractère. La puissance de leur art et de leur pensée “productiviste” marqua les années 1920 avant de s’étioler sous un stalinisme plombant. Tout le monde connaît les relations tumultueuses de Frida Kahlo et Diego Rivera, immortalisés par Nickolas Muray dans une pose où leurs regards dirigés vers l’objectif redoublent d’intensité. Toute volcanique qu’elle fut, leur union les poussa vers des sommets créatifs.

Claude Cahun (Lucy Schwob, dit), Self-portrait (reflected image in mirror, checked jacket), 1928 © Jersey Heritage, Jersey

L’histoire est toute autre pour Lee Miller et Georgia O’Keeffe, deux artistes qui s’émancipèrent de leurs amants respectifs, Man Ray et Alfred Stieglitz, pour voler de leurs propres ailes et déployer leur art. D’autres unions, bien plus libres et libérées des carcans sociaux d’avant-guerre transcendent les cases habituelles à la manière de Claude Cahun et Marcel Moore (Lucy Schwob et Suzanne Malherbe) qui se jouent des genres, volontairement fragmentés et indéterminés, posant en hommes, s’aimant en femmes, dans un défi artistique et sociétal permanent. Vous avez dit moderne ?


Au Centre Pompidou-Metz, jusqu’au 20 août
centrepompidou-metz.fr

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