Ta gueule, Électre !

Avec Les Enfants d’Atrée, la compagnie lorraine TAC.Théâtre présente une trilogie mythologique, une saga tragique sans artifices, reposant « à 90% » sur le travail des acteurs.

Résumons. Agamemnon revient victorieux de Troie en compagnie de Cassandre, sa maîtresse. Sa femme Clytemnestre l’attend à Argos et s’apprête à assassiner (avec la complicité d’Égisthe, son amant) un mari qui a sacrifié leur fille Iphigénie aux dieux. Électre poussera alors son frère Oreste à venger leur père en tuant leur propre mère. Voilà un condensé du triptyque composé d’Agamemnon (d’après Eschyle), d’Électre (Sophocle) et d’Oreste (Euripide) mis en scène par Cyril Cotinaut. Les ingrédients ? Des effusions de sang, de sordides histoires de tromperies, des représailles en série et autres malédictions frappant le clan des Atrides. « Ça n’est pas la thématique de la vengeance qui m’a interpelée », explique le metteur en scène, « mais les thèmes philosophiques souterrains, comme le destin de l’homme : Est-ce que j’écris ma vie ou est-elle déjà écrite ? Lors des premières séances de travail avec les acteurs, on remplaçait les noms Zeus ou Poséidon par des mots qui nous semblaient beaucoup plus concrets – “le hasard”, “la chance”, “le sort” –, des forces supérieures sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. »

Passé par l’École nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre de Lyon, Cyril Cotinaut adopte une méthode originale de travail, enseignée par Anatoli Vassiliev. « Nous lisons le texte une première fois puis le disons avec notre vocabulaire avant de le réétudier en mettant le doigt sur nos omissions, qui correspondent généralement à des incompréhensions. » Ce travail de réappropriation par la reformulation permet de s’assurer que chaque comédien de TAC.Théâtre (comme Travail de l’Acteur en Création) a parfaitement saisi le texte et s’y est « connecté de manière sensible et personnelle ». Au fil des lectures et sessions d’improvisations, les « Ta gueule, Électre ! » redeviennent « Oh, Électre ! » : le texte originel revient naturellement, il est intégré « sans apprentissage mécanique ».

Sur un plateau nu ou presque (on voit, ici où là, quelques ordures jonchant le sol…), les comédiens non costumés nous invitent à ne pas considérer les protagonistes du mythe comme des personnages mais « des figures, des couleurs que nous avons tous en nous et qui nous animent. Par moments, je me sens Oreste. À d’autres, je suis Électre, par exemple quand je suis près à me défendre d’une injustice. » Ainsi, le metteur en scène cherche en permanence à « manipuler le spectateur afin qu’il change fréquemment d’avis sur Électre, Clytemnestre et les autres car, comme nous, ils ne sont jamais tout à fait blancs ou totalement noirs. Je ne travaille pas sur les modèles, mais les anti-modèles. Pour moi, le théâtre est une exploration des chemins à ne pas prendre. »

À Thionville, au Théâtre en Bois

Électre, du 14 au 17 mai

Les enfants d’Atrée (l’intégrale de la trilogie – Agamemnon, Électre et Oreste –, possibilité de choisir un des spectacles), samedi 17 mai

03 82 54 70 40

www.nest-theatre.fr

www.tac-theatre.org

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