Rockestral

Photo de Benoît Linder pour Poly

Le groupe pop Colt Silvers et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg mêlent leurs univers respectifs pour un disque-objet épique et un concert liant rock et classique. Reportage dans les coulisses du projet.

Spectacle inhabituel en cette fin d’année 2015. Au Palais de la Musique et des Congrès, des gaillards tatoués, canette de bière à la main, circulent dans les couloirs de l’antre de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Les membres de Colt Silvers, un des groupes phares du label moustachu Deaf Rock assistent à l’enregistrement des parties orchestrales amenées à accompagner leurs compos. Casque diffusant les morceaux du groupe sur les oreilles, les musiciens de l’OPS, enthousiastes – « C’est un enrichissement pour nous, une rencontre humaine et musicale » affirme l’altiste Agnès Maison –, sont en train d’accoucher d’un monstre à cinquante têtes.

Rencontre du 3e type « Ce projet nous paraît tout à fait naturel », explique Tristan, chanteur de Colt Silvers, passé par la case Conservatoire. « Il y a d’ailleurs des parties orchestrales sur notre premier album, Red Panda. Il s’agit de samples de cordes, de cuivres ou de vents, mais ces éléments nous sont familiers : il n’y avait pas un gouffre à franchir en allant travailler avec un orchestre. » Les trois Colt, qui ont conçu un ciné-concert sur Blade Runner aux Dominicains de Haute-Alsace, confient se sentir « comme des gosses » face à l’opportunité de faire sonner leurs chansons comme des BO. Le compositeur et professeur au Conservatoire de Strasbourg Hervé Jamet a imaginé une base orchestrale « à la fois expérimentale – explorant toute les potentialités, parfois grinçantes, des instruments – et très cinématographique avec de grandes envolées lyriquesMes atmosphères s’imbriquent dans l’univers de Colt Silvers, entrant en résonance avec lui. » À l’OPS, « nous avons l’impression de nous retrouver plongés dans une session d’enregistrement de John Williams », se réjouit le groupe cinéphage qui cite, parmi ses références, le compositeur de la musique de Star Wars, mais aussi Howard Shore (la trilogie du Seigneur des anneaux), Ryuichi Sakamoto (Furyo), Clint Mansell (Requiem for a Dream) ou Hans Zimmer (Pirates des Caraïbes). Ce répertoire issu du mariage hors-normes du classique et de la pop, du violon et de la guitare électrique, du médiator et du diapason séduit Alain Fontanel, Premier adjoint au Maire de Strasbourg chargé de la Culture, venu assister à cette confrontation qui permet « d’opérer un double croisement, celui des styles artistiques et celui des publics ». C’est également une belle occasion de « montrer que l’Orchestre peut arpenter des champs sonores inédits » renchérit Francis Corpart, Administrateur général de l’OPS.

Entre deux mondes Début 2016, dans le studio Deaf Rock, Christophe Pulon, ingé’ son du label et Hervé Jamet se marrent, mesurant leur projet à l’album S&M de Metallica réalisé avec le San Francisco Symphony : « Nous aussi, on peut le faire ! » Avec les Colt, devant l’immense table de mixage, ils retravaillent leurs chansons, juxtaposant les pistes enregistrées par l’orchestre avec les titres de trois disques : Red Panda (2013), Gold Trees Gold (2014) et Swords (sortie prévue au printemps). Pour cette réinterprétation, ils retirent certains éléments – voix, riffs ou rythmes – et changent « la couleur des titres originaux », selon les intéressés qui se permettent même de toucher aux parties de l’orchestre et de « détériorer, “salir” le son des cordes ». L’important était pour eux de ne pas simplement superposer des univers différents. « Avec le morceau As We Walk, par exemple, nous avons pris le contre-pied en lui donnant une dimension dramatique. Nous partons d’un format pop, avec une structure “couplet-refrain”, pour l’amener vers d’autres horizons », explique Agnan (guitare, synthé). La dizaine de titres réinterprétés forment un tout cohérent et racontent une récit : celle d’un amour passionnel où l’on assiste à la rencontre d’Eros et de Thanatos, à la naissance d’un nouvel univers. Cette « quête mythologique » sera évoquée sur scène (voix off, projection vidéo… rien n’est fixé pour le moment) et contée dans le livret illustré accompagnant le CD. « À partir de morceaux existants, on a construit autre chose », résume Nicolas (basse, sampler). « On passe d’un monde à un autre. »

Sortie du disque / livre Colt Silvers Orchestral, en juillet, sur Deaf Rock Records

www.deafrockrecords.com

www.coltsilvers.com

Concert de Colt Silvers avec l’OPS, mardi 12 juillet au Jardin des Deux Rives

www.philharmonique-strasbourg.eu

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