Paris-Vitebsk

Die Hochzeit (La noce), 1911 Öl auf Leinen, 99.5 x 188.5 cm © Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris / ProLitteris, Zürich

En une centaine d’œuvres, le Kunstmuseum Basel explore la période 1911-1919, Les Années charnières dans l’Art de Marc Chagall.

Marc Chagall voit le jour en 1887 dans une ville de l’Empire russe, Vitebsk (aujourd’hui en Biélorussie) : « Des églises, des barrières, des magasins, des synagogues partout, simples et éternels comme les bâtiments sur les fresques de Giotto », écrit-il. D’émouvants dessins représentant ses parents et des scènes du quotidien peintes avant son départ à Paris ouvrent l’exposition. Il s’y installe en 1911 grâce à une bourse du mécène Maxim Winawer, errant avec élégance entre les courants – fauvisme, cubisme, orphisme – et réalisant des toiles qui en empruntent certaines caractéristiques (Hommage à Apollinaire ressemble ainsi à un tribute to Robert et Sonia Delaunay) et où se discernent des réminiscences de sa jeunesse russe et de l’enseignement de la Torah. Dans Paris par la fenêtre, l’artiste se représente comme Janus, un regard tourné vers le pays où il vit, l’autre vers celui qu’il a quitté, tandis que la Tour Eiffel veille sur un couple tout droit sorti d’un shtetl. Une salle de l’exposition est du reste consacrée à ces bourgs dans lesquels vivaient les Juifs en Europe centrale et orientale. Y sont montrées des photos de Solomon Ioudovine ou Roman Vishniac, témoignages d’un monde disparu qui éclairent l’œuvre de Chagall d’une étonnante lumière.

Der Jude in Hellrot (Le juif en rose), 1915 © Staatliches Russisches Museum,
St. Petersburg / ProLitteris, Zürich

Auréolé de ses succès parisiens – À la Russie, aux ânes et aux autres est une star du Salon des indépendants de 1912 et marque sa « totale explosion lyrique » selon André Berton –, Chagall est de retour en Russie en 1914 pour quelques mois. C’est du moins ce qu’il avait prévu, car bloqué par la Guerre, il restera dans le pays jusqu’en 1922. Des scènes de l’arrière (des soldats à l’infirmerie ou à la gare) voisinent avec la description d’une vie de famille heureuse après son mariage avec Bella Rosenfeld en 1915 et de saisissant portraits au nombre desquels figurent ses quatre “grands rabbins” de 1914 / 1915, ici réunis pour la première fois, sur lesquels semble peser toute la mélancolie du peuple juif soumis aux persécutions de la Russie tsariste. Dans ces tableaux vibrants aux couleurs sourdes, les visages prennent des teintes étranges, comme un vert irradiant. Ils sont les chefs-d’œuvre d’une exposition permettant de (re)découvrir un Chagall mal connu, dont l’onirisme ne tend jamais vers le kitsch comme dans son œuvre tardif, mais qui exprime comme nul autre l’âme d’un peuple dans un rêve éveillé nimbé de tristesse.

 Au Kunstmuseum Basel, jusqu’au 21 janvier 2018
kunstmuseumbasel.ch

En parallèle le Musée juif de Suisse (Bâle) présente L’Art après Chagall jusqu’au 21 janvier 2018
juedisches-museum.ch

 

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