Outside de Kirill Serebrennikov

Photo d’Ira Polyarnaya

Dédiée autant qu’hantée par Ren Hang – figure de proue de la jeune photographie chinoise qui s’est ôté la vie à 29 ans –, Outside est une œuvre manifeste du Russe Kirill Serebrennikov, lui-même confronté à la lutte pour la liberté.

«Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler. l’une des phrases qui peuplent telle une longue plainte » Voici le blog tenu par Ren Hang. Témoignage de sa lutte contre la dépression, la censure et une société chinoise tolérant mal l’homosexualité, le photographe, célèbre pour ses clichés de corps enlacés, aux nus délicats et aux regards effrontés de ses sujets face à l’objectif, aura été un météore flamboyant. En 2017, quelques jours seulement avant les débuts d’une collaboration artistique avec le cinéaste et metteur en scène Kirill Serebrennikov, il se défenestrait, rejoignant pour toujours le panthéon des artistes maudits. Deux ans plus tard, l’enfant terrible du théâtre russe, assigné à résidence à Moscou après une condamnation aux desseins politiques, créait, à distance, Outside pour le festival d’Avignon. Une pièce à l’énergie folle, dans laquelle retentissent les poèmes de Hang, où les corps se palpent et se transfigurent, où la performance dicte son tempo ravageur sur fond de musique live.

Trailer de Outside

Cette ode aussi crue qu’insolente à la liberté – d’être, de vivre, d’aimer, de dire, de représenter et de penser – imagine leur dialogue manqué. Dans les trous de cette impossible rencontre, Outside se glisse en éclats sombres révélés par des bains de jouvence d’une irrévérence totale, se jouant des couches de tissu pour mieux sublimer le grain de la peau. Dans une mise en scène toute en fulgurances, célébrant la créativité dans ce qu’elle a de plus essentiel – c’est-à-dire sa dissidence –, Kirill Serebrennikov mêle leurs deux solitudes, la mélancolie tendre du photographe et sa défense frontale des droits LGBTQIA+ dans une Russie poutinienne des plus réac‘. Les œuvres de l’un, décrochées par la censure avant même l’ouverture de certaines expositions, se retrouvent réinterprétées avec vigueur et humour en tableaux vivants dans la pièce de l’autre. La nudité y voisine pudiquement avec des fleurs coupées net, la provocation sadomasochiste avec la revendication politique. Ivresse de l’art et fureur de vivre.

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