Nostalgie pour le temps présent: Les lauréats du Prix HSBC

Photo de Aassmaa Akhannouch

Les lauréats 2020 et 2021 du Prix HSBC pour la Photographie exposent, à L’Arsenal de Metz leurs regards sensibles sur les fins d’une époque.


Après les empêchements de 2020, ils ne sont pas deux, mais quatre lauréats du fameux prix à montrer leurs séries primées : Louise Honée et Charlotte Mano pour 2020, Cyrus Cornut et Aassmaa Akhannouch pour 2021. Cette dernière, marocaine installée entre Casablanca et le Lot, est venue sur le tard à la photographie. Ingénieure, elle travaille dans le marketing avant de consacrer à l’art, la quarantaine bien entamée. Elle explore le souvenir, ouvrant des fragments de mémoire en laissant une grande place au regardeur, révélant les émotions qui la traverse. La Maison qui m’habite encore… est la tentative de conserver des bribes de ce que fut la maison rouge de son enfance, avant qu’elle ne soit vendue après la disparition de sa maman. Les prises de vue in situ – des piles de livres branlantes contre un mur (Aurais-je le temps), un vieux téléphone à cadran au fil dénudé, posé sur une table basse tranchant avec un carrelage décati (Ne sonnera plus) – voisinent avec des mises en scènes de moments clés de son enfance autour d’une veille de jour de fête. Cette femme cuisinant un poulet aux olives pourrait être sa mère, cette fille à longues nattes aidant à la préparation de cornes de gazelle, la photographe elle-même, l’enfant jouant le long d’un mur donnant sur la mer, un frère… Plus que les sujets traités, c’est l’empreinte intime des tirages réalisés par Aassmaa Akhannouch qui fascine : ses cyanotypes virés sont loin du bleu habituel. Introduits dans une solution de tannin de chêne, l’oxydation du fer forme des tons de noir pourpré et confère une couleur marron jaunâtre clair au papier, qu’elle rehausse à l’aquarelle pour obtenir une sorte de patine étrangement intemporelle, une douce mélancolie. Moins intime, les visions de Chongqing proposées par Cyrus Cornut documentent l’urbanisation galopante en Chine. Avec son travail à la chambre (4×5), ses temps de pose longs (floutant hommes et femmes) et ses réglages minutieux, cet architecte de formation s’intéresse à la cohabitation de la ruralité et des habitats traditionnels en briques avec les grands ensembles de béton et leurs corollaires de bretelles d’autoroutes serpentant au-dessus d’anciens jardins ouvriers dans la mégalopole de 34 millions d’habitants. La “ville Montagne”, sillonnée par le fleuve Yangzi Jiang et la rivière Jialing, peine à percer l’épais brouillard qui la recouvre toute l’année. Une nostalgie certaine point de la juxtaposition de deux mondes dont l’un efface, lentement mais irrémédiablement l’autre, où l’entassement et la modernité écrasent tradition et art de vivre avec un fracas… terrifiant de grandiloquence, dans un ballet infini de grues et de pelleteuses.


À la Galerie d’exposition de L’Arsenal (Metz), du 23 septembre au 14 novembre
citemusicale-metz.fr

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