Mr & mrs smith

Photo de Christian Berthelot

Créée en 1991 par Jean-Luc Lagarce, cette mise en scène de La Cantatrice chauve, pièce d’Eugène Ionesco est remontée, 26 ans après, par François Berreur avec l’équipe artistique originelle.

Le décor est intact, les costumes inchangés : on assiste à une nouvelle renaissance des Smith ! Lui, porte toujours son costume gris, sa cravate orange et sa chemise jaune. Habillée en tailleur rose flashy, Mrs Smith ressemble à une meringue ou à la Reine d’Angleterre, au choix. Avec son vernis jusqu’au bout des ongles, ses parures de bijoux et son chapeau à fleurs, d’une injonction de voix, elle parle du contenu de leur repas pendant que lui lit son journal, silencieux. Nous voilà plongés dans la petite bourgeoise anglaise des années 1950 : une maison blanche style cottage, une pelouse artificielle bien verte où rien ne dépasse. On retrouve d’ailleurs Mr Smith allongé au sol avec des ciseaux d’écolier scrutant la moindre brindille trop longue. Un tuyau d’arrosage jaune traverse le jardin jusqu’à une haie trop bien taillée. On se croirait dans Mon Oncle de Tati. Pourtant dans ce petit pavillon parfait, les personnages sont trop grands pour rentrer dans leur maison. Perspectives aussi absurdes que les répliques, Ionesco s’étant inspiré de ses leçons d’anglais où les dialogues semblaient incohérents, sortis de leur contexte.

Photo de Christian Berthelot

Dans cette pièce incongrue, les personnages ne se parlent pas, ne s’écoutent pas, leurs réactions sont excessives et complètement loufoques. Interchangeables, les Smith et les Martin sont vêtus de manière identique, victimes de leur conformisme et de leurs expressions automatiques qui font d’eux des humains sans âme, sans passion et évidemment très drôles. Jean-Luc Lagarce a poussé encore plus loin le caractère absurde de la pièce en y ajoutant des rires préenregistrés. Puis, une horloge retentit cinq fois, puis deux puis quatre fois et ne fait qu’accentuer la perdition des protagonistes dont les conversations n’aboutissant à rien. Le metteur en scène s’inspire et se moque des séries TV américaines. Il intègre des noirs au milieu d’une scène pour signifier une coupure publicitaire ou encore s’amuse à utiliser la musique de Psychose, ajoutant suspens et crispation pour se jouer de ces êtres qui ne vivent rien. Quand la façade s’effondre, ils redeviennent des acteurs et entament un dialogue avec le public en lui proposant d’investir la scène… puis se mettent à l’insulter et le menacent de le mitrailler. Une bonne manière pour Ionesco de rire de Brecht et de son principe de distanciation.

 

Au Théâtre Ledoux (Besançon), du 10 au 12 octobre

scenenationaledebesancon.fr

> Rencontre avec l’équipe artistique, mercredi 11 octobre après la représentation

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