L’exposition universelle

© Judit Fruszina Jesse

À Baden-Baden, la Staatliche Kunsthalle propose Exposer l’exposition, un passionnant voyage des cabinets de curiosités aux pratiques curatoriales du XXIe siècle.

Comment était montré l’art hier ? Quelle est la manière de le présen- ter aujourd’hui ? Qu’en sera-t-il demain ? Ce triple questionnement a irrigué la réflexion du directeur de la Staatliche Kunsthalle Johan Holten, lorsqu’il a élaboré cette exposition / mise en abyme. Elle débute par un flash-back : une huile du XVIIe siècle d’Adriaen van Stalbemt ou une photographie sur papier salé du Salon de Paris de 1852 signée Gustave Le Gray témoignent des prémices de l’accrochage. Les œuvres sont placées les unes à côté des autres, sans presque d’espace pour respirer. Le parcours se poursuit avec des dizaines de vues, jusqu’à une récente image de l’open space du Louvre-Lens et un cliché de la modernité cool du Weather Project d’Olafur Eliasson (Tate Modern, 2003). Sont aussi évoquées les modifications des vitrines, des éclairages, des cadres, voire des… banquettes dans les musées. Le visiteur est invité à réfléchir à la notion d’expo à partir d’exemples comme celui de Frederick Kiesler qui imagina, en 1942, le design de l’Art of This Century Gallery de Peggy Guggenheim, dont est reconstitué l’esprit novateur dans une salle avec notamment ses fameux “sièges socles”.

Fabian Knecht, Isolation (Stamm), 2018, Courtesy l’artiste et Courtesy Alexander Ievy, Berlin

Les propositions contemporaines peuplent les espaces comme la Prise électrique de Musée de Kamen Stoyanov, interrogation sur le statut des infrastructures techniques indispensables à l’exposition, ou la vidéo d’Andrea Fraser Little Frank and His Carp, dans laquelle l’artiste questionne de manière mutine la pertinence des audioguides. Avec sa vision futuriste, la plasticienne polonaise Goshka Macuga revisite, pour sa part, le révolutionnaire Cabinet des abstraits exécuté par El Lissitzky pour présenter la collection d’Art moderne du Landesmuseum de Hanovre, dans les années 1920. Créées spécialement, Les Fenêtres de Simon Dybbroe Møller repensent le rapport dedans / dehors : elles s’ouvrent sur les murs de la Kunsthalle, mais permettent de s’en abstraire avec leur échappées belles de billets de banque et de feuilles qui semblent emportés par le vent. Il était logique que le cheminement se poursuive hors les murs dans une vingtaine de lieux de la cité : un arbre vieux de 140 ans emprisonné dans un white cube préfab’ éclairé au néon construit sur la Lichtentaler Allee – effet wahou garanti pour cette autre variation inside / outside de Fabian Knecht –, deux appétissants gâteaux
à l’avocat et à la banane signés Pae White dans la vitrine de l’institution qu’est la Confiserie Rumpelmayer, une installation (minimale pour un effet maximal) de Claudia de la Torre dans la Librairie Straß… Toutes ces propositions in situ permettent d’approfondir la réflexion sur la notion d’exposition initiée intra muros.


À la Staatliche Kunsthalle (Baden-Baden), jusqu’au 17 juin

kunsthalle-baden-baden.de

Parcours dans la ville: 

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