No Borders : la 10e édition des Vagamondes

Pour Autrui © Christophe Raynaud de Lage

Pour sa 10e édition, Les Vagamondes opèrent leur mue. Finies les cultures du Sud, place à un festival sans frontières toujours plus éclectique.

Bien décidés à concocter une nouvelle programmation internationale aux Vagamondes, les équipes de La Filature n’ont rien lâché de leurs ambitions pour le festival : treize spectacles et un volet de rencontres et conférences tout juste réduit, contexte sanitaire oblige. Ceux qui avaient pu découvrir l’an passé Rocío Molina dans Impulso, grâce à un live stream, se presseront sans nul doute à La Coupole de Saint-Louis (23/03). La légende flamenca de 38 ans y joue enfin sa pièce accompagnée par l’oud d’Ahmad Al Khatib et le groupe Sabîl. Dans ce qui demeure une soirée expérimentale, elle poursuit sa quête d’apothéose en partant d’une « pulsion qui vient du corps pour conquérir l’esprit, à la recherche de la vérité absolue de l’instant présent », usant avec parcimonie de ses étourdissants zapateados, pas rapides faits de claquements de talons sur un rythme effréné. Une quête de liberté – presque – totale, une performance habitée, un saut vers l’inconnu menant à l’essentiel.

Autre proposition chorégraphique, le duo danseur / robot du taïwanais Huang Yi (HUANG YI & KUKA, 24 & 25/03, La Filature). Sur fond de violoncelle poignant, se noue une relation entre un bras articulé industriel (ses câbles et sa programmation inventive) et un artiste évoluant tout en douceur et en introspection à son contact. Huang Yi avoue avoir rêvé enfant d’avoir un compagnon comme KUKA, lui qui était fan du manga Doraemon dont le héros est un chat-robot qui résout tous les problèmes de son maître, le jeune Nobi. Le face-à-face auquel aujourd’hui il nous convie, est celui d’un miroir de l’âme avec celui qui s’est efforcé en grandissant d’être parfait quand ses parents ont, après avoir connu le luxe, tout perdu, poursuivant leur vie, cahin-caha dans la misère. Il s’est effacé, conformé. Ce duo homme-machine est sa manière de donner sens et beauté au chagrin et à la tristesse qui ont été ses plus proches compagnons dans son enfance. Quelques grammes de poésie révélant l’illusion que constituait l’image qu’il renvoyait, alors, pour rassurer ses proches.

Parmi les artistes à suivre, ne manquez pas La Dernière nuit du monde (18/03, La Filature) de Fabrice Murgia, l’une des figures de proue du théâtre belge. Il crée un conte théâtral avec Laurent Gaudé où vidéo et voix se mêlent : notre société est bouleversée par l’invention d’une pilule permettant de combler le besoin de sommeil en 45 minutes par jour. Le rêve du libéralisme productiviste incarné par Gabor, communicant de cette firme révolutionnaire, devient un cauchemar éveillé au sein duquel résistent un enfant-oracle et le mouvement Nuit Noire. Autre thématique d’actualité, la gestation Pour Autrui (22 & 23/03, La Filature, dès 14 ans) dont s’empare avec brio Pauline Bureau. Elle y questionne les évolutions contemporaines de la maternité, des parentalités et de la filiation en suivant le parcours d’Alexandre et de Liz, infertile à la suite d’un cancer de l’utérus, qui se voit proposer, par l’entremise de sa sœur, une mère porteuse à San Francisco. Dans un décor spectaculaire avec tournette et alcôves, efficace en diable pour accueillir des images vidéo, se noue une réflexion politique sur le corps des femmes à l’aune des redistributions des cartes actuelles.


À Mulhouse et alentours du 15 au 26 mars
lafilature.org

> Pour Autrui est également en tournée à La Comédie de Colmar (09 & 10/03) et au Théâtre Dijon Bourgogne (29/03-01/04)
comedie-colmar.comtdb-cdn.com

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