Les diamants sont éternels

Dessinateur prolixe avec des albums comme Cœurs de sable, Les Frères Adamov ou Barney et la note bleue, peintre, élégant promeneur qui rapporte de merveilleux carnets de voyages de ses pérégrinations, maître du fusain… Jacques de Loustal est un créateur protéiforme, un dandy du trait que l’on retrouve, album après album, avec un vif plaisir… Et c’est à nouveau le cas dans cet opus intitulé Bijou qu’il réalise avec Fred Bernard : on sait que l’auteur de la saga Jeanne Picquigny – dont on espère un prochain album très vite –, sait raconter des histoires avec maestria. Il le prouve une fois encore avec Bijou, où le XXe siècle se révèle par le prisme d’une pierre précieuse découverte en 1907 dans une mine d’Afrique du Sud : nommé Bellaciao, le diamant va passer de main en main, disparaissant tantôt puis réapparaissant comme dans un amusant jeu de l’oie où le réel tutoie l’imaginaire, si bien que les limites entre l’Histoire et le récit se font floues. Les pages sont construites sur un schéma identique et binaire : deux immenses cases, sous lesquelles se déploie la narration comme dans les proto-BD du temps jadis, permettent d’apprécier le dessin de Loustal où se croisent les influences (expressionnisme allemand, peinture naïve mexicaine, œuvres de Hopper ou de Hockney, tentations fauvistes). Il crée des atmosphères envoûtantes qui lui sont propres, immédiatement reconnaissables, où la lenteur côtoie la nostalgie, proposant au lecteur des espaces mentaux précieux invitant à la contemplation et à un voyage d’essence métaphysique. Même lorsque l’exotisme est palpable, presque gluant, comme da         ns la mine sud-africaine où le caillou est découvert en 1907, il sait garder un aristocratique détachement, restituant, avec une immense sensibilité, l’atmosphère d’un lieu, mais aussi les états d’âme des personnages qu’il met en scène. « Il y a un Loustal crépusculaire et un Loustal solaire » écrivit un jour Tonino Benacquista : dans ces pages on rencontre les deux, croisant des personnages comme Jack London, François Reichelt (le fou volant qui s’écrasa au pied de la tour Eiffel, tentant de planer comme une chauve-souris), Greta Garbo ou encore Albert Spaggiari, l’auteur du “casse de Nice”. Le diamant est acheté, vendu, volé, perdu, retrouvé, offert… Voilà saga géniale et rocambolesque qui fait traverser les âges avec bonheur.

Bijou est paru chez Casterman (19 €)

www.casterman.com

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