À Ornans, Colosses explore, à travers plus de 200 pièces, l’image des Lutteurs, culturistes et costauds dans les arts à la fin du XIXe siècle.
Académique et beau comme l’antique, le Portrait du lutteur Meissonnier, dit le rempart d’Avignon (1848), peint par Paul Baudry, montre la prégnance de la vision esthétique gréco-romaine dans la peinture au mitan du XIXe siècle. Vaguement alangui, l’homme dégage une puissance virile toute aristocratique. Alors que le sport se démocratise, la représentation des corps tend à se métamorphoser. La IIIe République s’appuie en outre sur les valeurs athlétiques pour diffuser sa morale laïque : intitulé La Pyramide humaine (1880), le bronze autobiographique signé Gustave Doré (dont le goût pour les acrobaties est connu) défie les lois de la gravité : dans un équilibre précaire, les neuf protagonistes se dégagent des références aux icônes réalisées des siècles auparavant, comme Les Lutteurs des Offices de Florence. Il en va de même dans le Strong Man (vers 1865) de Daumier, Hercule forain éminemment français, ou avec Salutat (1898) de Thomas Eakins, montrant un boxeur face à la foule. Si la scène rappelle l’imagerie traditionnelle du combat de gladiateurs, c’est d’un gladiateur poids plume, illustrant la possible héroïsation d’un homme du commun, dont il s’agit.
Affiches en stock (exaltant Charles Rigoulot, qui fut champion olympique d’haltérophilie en 1924, ou vantant la Méthode Desbonnet pour obtenir des biscotos maousse costo) et autres objets retranscrivent une époque où les lutteurs de foire deviennent des figures de la société du spectacle naissante, où la culture physique est prisée par un monde en quête de divertissement. En témoigne un essieu de wagon de chemin de fer pesant plus de 165 kilos utilisé par Louis Uni – surnommé Apollon, le roi des athlètes des Folies Bergère –, véritable bête de scène adulée par les foules. Une section questionne également la lutte, sport alors en vogue véhiculant des stéréotypes de genre… parfois battus en brèche comme dans Hercule au pied d’Omphale (1912) de Gustave Courtois, où un colosse sculptural à la sexualité ambigüe est soumis à une femme d’une vive beauté dans une composition altiero-BDSM… Plus surprenantes sont les Deux Lutteuses de Maillol (vers 1901), corps à corps de bronze ultra sensuel, qui répond à La Bataille des dames (1897) de Jean Veber, combat d’une violence incroyable entre deux créatures monstrueuses qui se complait dans une dérangeante et fascinante esthétique de la fange, instillant un malaise de la même essence que celui qui sourd de certaines toiles de Camille Wiertz.
Au Musée Courbet (Ornans) jusqu’au 13 octobre