La nouvelle exposition de Charlotte Khouri au CEAAC

Photo d'Émilie Vialet

Exposition monographique de Charlotte Khouri, You’ll always be taller than a newspaper questionne le pouvoir de l’information avec humour. Visite au CEAAC, entre monuments miniatures, vidéoperformances et journal géant.

Commissaire de l’exposition produite par le Centre européen d’Actions artistiques contemporaines, Alice Motard affirme d’emblée : « Charlotte Khouri s’intéresse à la manière dont l’information va s’infiltrer et diriger le corps individuel comme le corps social. » Face au visiteur, se trouve ainsi un immense journal, plus grand que lui. Peint, il est profondément pop dans son esthétique seventies. Ses pages peuvent êtres tournées. Et la directrice du CEAAC de pour- suivre : « S’y découvre tout ce qu’on trouve dans un quotidien – publicités, mots croisés, graphiques économiques, etc. – mais tout est rendu illisible, générant un sentiment ambivalent, entre familiarité et étrangeté. » Dans la vitrine, à quelques pas, sont posées deux combinaisons de pilote de course avec leurs casques. Comme le singulier canard, elles se retrouvent dans la vidéoperformance ouvrant le parcours : chez l’artiste, les objets changent en effet de statut et de fonction. Transitant avec grande fluidité d’un état à l’autre, ils passent de quasi- sculptures à décors ou accessoires. Cette première séquence extrêmement verbeuse voit la plasticienne déguisée en championne de rallye – évocation de la course à l’information, mais aussi renversement des rôles puisque les femmes demeurent rares dans ce milieu – nous parler face caméra. Elle imite Dalida, Britney Spears, Delphine Seyrig ou Michèle Mouton, qui courrait sur Audi Quattro au début des années 1980 et pour laquelle Charlotte Khouri a une véritable fascination. Mélangeant propos réellement prononcés et phrases écrites pour l’occasion, les interviews nous questionnent sur le contrôle mental – entre français et globish tendance broken English – dans un univers improbable oscillant de la folie de Téléchat au sérieux d’une thèse de sociologie. À la fin de l’exposition, une autre vidéoperformance entre en résonance avec celle-ci. Sur le même mode ironique et décalé, on y voit la comédienne Marie Baxerres dans un éblouissant numéro de claquettes, sur un podium reprenant les caractéristiques architecturales de la rotonde du Palais strasbourgeois abritant… le Conseil de l’Europe.

 

 

Entre ces deux pôles, le visiteur arpente les espaces du CEAAC, l’œil attiré par des objets liés aux vidéos : un téléphone au kitsch assumé, d’étranges verres à cocktails et de singuliers cendriers. Il découvre aussi des versions réduites d’architectures strasbourgeoises emblématiques : le bâtiment Winston Churchill du Parlement européen sert de siège – amusant pied de nez à la question divisant la cité alsacienne et Bruxelles – tandis que celui de France 3 est métamorphosé en table de nuit et que celui d’Arte évoque une table basse. Voilà appropriation permettant de questionner d’ironique manière ces lieux de pouvoir politique et médiatique.


Au CEAAC (Strasbourg) jusqu’au 4 septembre
ceaac.org

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