La Force est avec eux

© Wilfried Hösl / Bayerische Staatsoper

Le Bayerische Staatsoper accueillait il y a quelques jours la reprise de la production de Martin Kušej de La Forza del destino servie par la plus incroyable des distributions : Anja Harteros & Jonas Kaufmann. What else ?

On était entrés dans l’élégante bonbonnière du Bayerische Staatsoper emplis d’excitation, électrisés d’avance par une production de La Forza del destino annoncée comme historique sur le plan vocal. On en était ressortis complètement chamboulés quelques heures plus tard, convaincus, comme les  2 100 autres privilégiés, d’avoir entendu LE couple verdien du début du XXIe siècle, même si on aurait bien voulu découvrir un trio… Las, Ludovic Tézier, souffrant était remplacé par le flamboyant Simone Piazzola, dont la prestation fut exemplaire… même si on aurait aimé retrouver l’élégance et les délicates nuances du baryton français sur scène. Pour leur part Anja Harteros et Jonas Kaufmann furent immenses. Pour décrire leur prestation ont pourrait empiler les adjectifs : insurpassables, parfaits, extraordinaires, « astonishing » comme le cria presque une voisine américaine de parterre, des trémolos dans la voix et des larmes au bord des yeux. La soprano allemande nous laisse emplis d’extase : pianissimi d’une délicatesse inégalée, fortissimi incandescents et pleins de noblesse, elle égale les plus grandes interprètes de Leonora de l’histoire comme Leontyne Price. Pour sa part, Jonas Kaufmann est fidèle à son image : gueule d’ange et timbre d’extra-terrestre, il sait entraîner son public de la chaleur irradiante à l’obscurité la plus inquiétante. Le ténor allemand emporte tout sur son passage dans une interprétation hors-norme.

© Wilfried Hösl Bayerische Staatsoper

Dommage que ce duo d’anthologie ne soit pas porté par une direction d’orchestre plus inspirée puisqu’Asher Fisch se contente de “faire le boulot” avec honnêteté certes, mais sans élévation, ni emportement génial. Le point noir de la soirée demeure néanmoins la mise en scène de Martin Kušej dont la caractéristique principale n’est pas la « laideur » – notion toute subjective – comme beaucoup l’ont écrit à tort, mais la grande confusion. Certains tableaux sont réussis – l’accumulation finale d’immenses croix blanches – d’autres sont plus discutables comme une orgie générale où les corps s’emboitent dans d’épuisantes trémulations aux relents über alcoolisés. Certains détails exaspèrent : voir Jonas Kaufmann penché, le corps agité de soubresauts parce qu’il vomit hors champ est très largement explétif. Par contre la maison éventrée vue de haut est très réussie : des actions violentes d’y déroulent grâce au talent de “figurants acrobates” comme dans certains jeux vidéos archaïques… même si on ne comprend pas bien pourquoi certains personnages reprennent les attitudes tristement célèbres de la prison d’Abou Ghraib : une femme traîne ainsi un homme nu en laisse. Malgré quelques images saisissantes, il est impossible de comprendre le propos, sans unité aucune, de Martin Kušej. Mais quelle importance est-ce que cela revêt en comparaison de la prestation vocale d’Anja Harteros et de Jonas Kaufmann ? Absolument aucune puisque l’opéra est avant tout une affaire de voix…

 

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