La Distance de Tiago Rodrigues détruira-t-elle les liens familiaux ?

La Distance © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

La Distance, nouvelle création de Tiago Rodrigues, suit l’histoire émouvante d’un père et de sa fille, l’un restant sur Terre et l’autre voulant recommencer sa vie sur Mars.

Révélée lors du 79e Festival d’Avignon, en juillet dernier, La Distance, pièce écrite et mise en scène par le directeur de l’événement, Tiago Rodrigues, continue de dérouler le fil rouge d’une thématique chère à l’auteur : raconter l’Homme. Après Dans la mesure de l’impossible, dans laquelle il s’intéressait aux humanitaires engagés aux quatre coins du monde, et dont le tout premier titre était, justement, Distance, le dramaturge portugais recentre ici son intrigue sur deux personnages, Ali et Amina, pourtant séparés par plusieurs centaines de millions de kilomètres. Le premier, médecin hospitalier – comme un clin d’oeil au métier de la mère de l’artiste –, vit sur une planète bleue qui, en 2077, se trouve bien malmenée par le réchauffement climatique. La seconde, jeune femme ayant soif de liberté, préfère s’exiler sur Mars… même si cela implique de tirer un trait sur son passé. Car dans l’univers SF / dystopique ici dépeint, les individus souhaitant fuir leur existence terrestre précaire et entamer une nouvelle vie sont contraints de se faire effacer la mémoire. Un sacrifice incompréhensible pour le père, mais un moindre mal pour la fille. C’est là que le conflit générationnel se dessine, motivé par une urgence peu commune : les deux n’ont plus que quelques jours pour se parler et se remémorer les bons – comme les mauvais – souvenirs, avant qu’Ali ne disparaisse définitivement des pensées d’Amina et que celle-ci fasse partie des « Oubliants ».

La Distance © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Portée par Adama Diop et Alison Dechamps, toute jeune diplômée de l’École du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, La Distance adopte un dispositif scénique dont la forme fait écho, avec poésie, au propos. Sur un plateau tournant divisé en deux par un immense arbre déraciné, couché sur le sol, ainsi qu’une falaise rocheuse rougeâtre, les deux interprètes restent dans leur partie, sans jamais se regarder. Le mouvement de la plateforme permet toutefois au public de les voir un à un et de filer la métaphore du déplacement elliptique des deux astres – les jeux de lumière, reposant sur un principe de rotation, en renforcent également l’effet, puisqu’ils laissent deviner leurs faces visibles et dissimulées. La vitesse du mécanisme n’est pas non plus laissée au hasard : plus ou moins rapide, elle rythme en effet la longueur des répliques, soulignant, si l’on venait à l’oublier, l’impératif de la situation. Communiquant par message audio, les protagonistes touchent par leur sensibilité, l’homme tentant, dès le début, de contacter la jeune femme, non sans difficulté, comme une anticipation de l’inéluctabilité qui se prépare. 


Au Maillon (Strasbourg) du 15 au 17 octobre et au Théâtre Vidy Lausanne du 13 au 23 novembre maillon.euvidy.ch 

> Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du 19/11 (Théâtre Vidy Lausanne 

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